Le 1er avril 2018, la procédure d’agrément Hébergeur de Données de Santé, en vigueur depuis janvier 2006, a été remplacée par la certification Hébergeur de Données de Santé (HDS), incluant notamment une certification ISO 27001:2013. Quel bilan en tirer deux ans après ? Quels acteurs ont aujourd’hui franchi le pas ? Quels sont les principaux chantiers à mener et les facteurs clés de succès d’un tel projet ?
Deux ans après, quel bilan ?
L’un des principaux changements induit par la certification est la délivrance des certificats HDS par un organisme indépendant accrédité par le Comité Français d’Accréditation (COFRAC), et non plus par l’Agence des Systèmes d’Information Partagés de Santé (ASIP Santé), devenue l’Agence du Numérique en Santé (ANS) fin 2019. Sept organismes ont franchi le pas et sont désormais accrédités. Ces organismes avaient tout intérêt à se mobiliser rapidement pour anticiper les nouvelles demandes de certification ISO 27001 et HDS et ainsi augmenter leur part de marché.
Et la demande est importante ! Au 21/02/2020, 89 organisations ont déjà obtenu la certification HDS, soit près de 4 certifiés par mois. Parmi elles, certaines disposaient déjà d’un agrément Hébergeur de Données de Santé.
Figure 1. Répartition des organisations certifiées Hébergeur de Données de Santé (HDS)
Sans surprise, la majorité des acteurs ayant obtenu la certification HDS sont des entreprises proposant des services d’hébergement et d’infogérance, incluant des fournisseurs cloud internationaux, et des éditeurs de logiciels. Ils représentent à eux seuls 83% des certifiés. Poussés principalement par des motivations économiques, ces acteurs mettent tous les arguments de leur côté pour conserver leurs clients et élargir leur portefeuille aux organisations ne souhaitant pas se lancer dans l’aventure de la certification HDS.
D’autres sociétés telles que des fournisseurs d’équipements biomédicaux ou de biotechnologies, des groupements de santé (Groupement d’Intérêt Public, Groupement de Coopération Sanitaire) ainsi qu’une mutuelle ont également franchi le cap, mais restent précurseurs dans leur domaine d’activité.
Et les établissements de santé ?
À date, seuls 3 groupements d’établissements de santé privés sont certifiés HDS, mais ce chiffre pourrait augmenter très prochainement. En effet, les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) sont en cours de mise en œuvre de leur Système d’Information convergent, projet qui devrait s’étendre sur une durée plus longue qu’initialement anticipée dans de nombreux GHT. Ainsi qu’évoqué dans notre précédent article, ces travaux peuvent ainsi amener l’établissement support d’un GHT à héberger des données de santé pour le compte des autres établissements. Deux choix s’offrent alors à lui :
- Obtenir la certification HDS. C’est l’option vers laquelle devraient se tourner la plupart des établissements de taille importante. En effet, la taille de leur DSI leur permet généralement de réaliser le projet et d’offrir le service à long terme au GHT. Afin de se laisser le temps d’obtenir la certification HDS, certains d’entre eux optent pour un hébergement temporaire des applications mutualisées chez un acteur déjà certifié ou encore agréé HDS ;
- Externaliser l’hébergement des données de santé chez un acteur certifié. Cette option sera notamment plébiscitée par les établissements de taille limitée, pour qui l’investissement associé à une certification parait disproportionné. Ces établissements pourront par exemple privilégier un hébergement auprès d’acteurs certifiés HDS de taille comparable, qui seront plus à même de s’adapter à leurs besoins, et qui auront l’habitude de travailler avec des établissements de la santé.
Quels sont les principaux chantiers d’une mise en conformité HDS ?
La certification HDS reposant en premier lieu sur une certification ISO 27001, les recommandations de mise en œuvre de nos précédents articles restent applicables. Au-delà de la mise en place du Système de Management de la Sécurité de l’Information (SMSI) et d’un fort accompagnement au changement, les chantiers complémentaires reposent sur des exigences de l’ISO 20000-1 et de l’ISO 27018, ainsi que sur quelques exigences spécifiques santé. Ces chantiers de mise en conformité HDS d’un SMSI peuvent être
répartis en trois domaines :
Figure 2. Chantiers de mise en conformité HDS d’un Système de Management de la Sécurité de l’Information (SMSI)
Pour les organisations déjà certifiées ISO 27001 ou se conformant déjà aux normes ISO précitées, l’effort à fournir pour obtenir la certification HDS est moindre, et peut s’apparenter à un « quick win ».
Pour celles possédant un agrément HDS, la marche à franchir peut rester assez haute. En plus de la formalisation d’un référentiel documentaire plus conséquent que pour l’agrément, le contrôle de la conformité de l’ensemble du périmètre (ou « domaine d’application » au sens de l’ISO 27001) et de la démarche d’amélioration continue par un organisme indépendant spécialisé représente une difficulté additionnelle, gage de la valeur de cette certification.
Enfin, pour les organisations ne disposant d’aucun des accélérateurs précédents, l’effort à fournir dépendra du niveau de maturité vis-à-vis du référentiel de certification.
Quels financements pour les établissements de santé ?
Aujourd’hui, aucun financement direct des projets de certification ou d’externalisation n’est proposé. Cependant, grâce au programme HOP’EN, successeur du programme Hôpital Numérique, 420 millions d’euros sont prévus pour permettre aux GHT de financer la modernisation de leur SI. Ils pourront ainsi se tourner vers ces financements pour la construction de leur SI convergent. Tout comme son prédécesseur, le programme HOP’EN définit des indicateurs permettant aux établissements de mesurer leur maturité vis-à-vis des prérequis et des sept domaines fonctionnels. Une boite à outils a été publiée par l’Agence Nationale d’Appui à la Performance des établissements sanitaires et médico-sociaux (ANAP) pour faciliter l’atteinte des prérequis.
Comment sécuriser l’obtention de la certification ?
En fonction de la maturité de l’organisation, un projet de certification peut représenter une charge et des investissements lourds dans la durée, aussi bien lors du projet qu’à son issue pour assurer le maintien des certifications les années suivantes. Afin de sécuriser l’atteinte de l’objectif, certaines organisations optent pour une stratégie de certification en deux temps : pour commencer, elles se concentrent sur la certification ISO 27001, puis s’attèlent dans un second temps à la certification HDS. Ce choix comporte de nombreux avantages :
- Sécuriser l’obtention de chaque certification en limitant le nombre de nouvelles exigences à respecter et ainsi limiter le risque de non-conformité ;
- Faciliter la conduite du changement et l’appropriation des exigences à atteindre par les équipes : se concentrer sur un référentiel à la fois permet de simplifier la mise en place des nouveaux processus et nouvelles règles de sécurité en réduisant l’ampleur du changement à chaque étape ;
- Se laisser du temps pour mener à bien les chantiers de mise en conformité. Cette option permet de répartir les charges et investissements à réaliser sur une plus longue période. Cela est valable en particulier pour les chantiers techniques de mise en conformité cités précédemment, qui peuvent être particulièrement onéreux et chronophages.
Une seconde bonne pratique pour sécuriser cette certification est de réaliser un audit à blanc, c’est-à-dire un audit préparatoire mais réalisé dans les conditions réelles d’un audit de certification HDS. L’organisation y trouvera deux principaux apports :
- Obtenir l’avis d’un auditeur, indépendant vis-à-vis de l’équipe projet et de l’auditeur de certification, quant à ses chances d’obtenir la certification. L’auditeur aidera également à peaufiner et corriger les derniers détails avant le démarrage de l’audit de certification ;
- Préparer et entrainer les équipes à l’exercice de l’audit, et en particulier les aider à préparer les réponses et preuves à présenter à l’auditeur.
Des évolutions à venir ?
Après moins de 2 ans d’existence, le référentiel s’apprête à subir de grosses modifications. En effet, l’Asip Santé a annoncé en avril dernier la volonté de retirer l’activité 5 du référentiel de certification. Cette activité, concernant l’administration et l’exploitation du système d’information contenant les données de santé, a suscité débat. En effet, les activités d’infogérance pouvant être dissociées des activités d’hébergement, il peut s’avérer difficile voire impossible pour un acteur ne réalisant que les activités d’infogérance d’être consulté sur les choix réalisés en termes de sécurité de l’hébergement, et ainsi de respecter l’intégralité des exigences du référentiel. Les exigences liées à l’activité 5 devraient donc être proposées sous un nouveau format à l’avenir, afin de s’adapter davantage aux activités d’infogérance.
De nombreux établissements de santé, à l’instar des infogérants et les éditeurs de logiciels de santé, espèrent eux aussi un assouplissement du référentiel de certification HDS. Les exigences imposant l’atteinte d’un niveau de sécurité élevé pour la protection des données à caractère personnel, la marche à franchir peut s’avérer très haute pour les établissements. Ainsi, certains d’entre eux ont fait le choix de ne viser que la certification ISO 27001 pour le moment. L’évolution des exigences pour les établissements de santé reste également à surveiller, après l’annonce par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) d’une certification des systèmes d’information hospitaliers en 2020, vouée à centraliser toutes les exigences liées à l’informatisation des établissements de santé.
Une autre évolution majeure possible concerne les GHT et leur obligation réglementaire d’héberger leur SI convergent auprès d’un hébergeur certifié HDS. Cette obligation ne perdure en effet que tant qu’un GHT reste constitué de personnes morales indépendantes. Cette obligation pourrait ainsi devenir caduque en cas constitution d’« établissements publics de santé territoriaux » en lieu et place des GHT, ainsi que proposé dans le récent rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS). Ce changement reste néanmoins peu probable à court et moyen terme.
Ces possibles évolutions ne semblent aujourd’hui pas affecter les demandes de certification ISO 27001, dont le volume continue de croître en France ainsi qu’anticipé dans notre précédent article, avec une croissance de 27% des certificats ISO 27001 entre 2017 et 2018 selon les derniers chiffres publiés par l’ISO. Cette croissance devrait logiquement se poursuivre sur les années à venir.