La maturité des acteurs sur le sujet MIFID2 vous semble-t-elle identique quel que soit le secteur ? Ou certains secteurs, BFI, gestion d’actifs, banque de détail… sont-ils plus avancés dans les projets ?
La révision de la directive était un rendez-vous prévu par MIFID1. Dans ce cadre, les travaux ont été lancés par la Commission européenne dès 2010, et la Commission européenne a présenté son projet de refonte dès septembre 2011. Le temps ainsi consacré à l’élaboration du texte définitif – adopté en avril 2014 -, conjugué aux travaux de communication et d’accompagnement réalisés par l’AMF, a permis à la Place d’anticiper, et explique l’implication des différents acteurs aujourd’hui, et ce quel que soit le secteur d’activité. Le marché français est sensibilisé à MIFID2. Il reste cependant en attente des textes permettant de préciser les modalités d’application, attendus de la part de la Commission européenne. Il est toutefois à noter que certaines évolutions importantes du texte européen sur les aspects de protection des investisseurs sont proches de ce qui existe en France, qu’elles figurent dans les textes ou la doctrine, ou au titre des bonnes pratiques.
MIFID2 peut-elle être aujourd’hui perçue comme une opportunité pour le marché français ?
Oui, tout à fait. La volonté du législateur européen est d’assurer d’une part une meilleure intégration des marchés en Europe, et d’autre part une harmonisation plus grande des règles qui devraient permettre aux acteurs français, plutôt bien préparés aux évolutions à venir, de se développer en Europe.
En outre, les nouvelles règles applicables en matière d’information, y compris périodique, de la clientèle, pourront être pour les prestataires l’occasion de contacts plus fréquents avec leurs clients, ce qui leur permettra d’affiner leur offre, et de promouvoir la commercialisation de produits adaptés.
Selon vous, quelles sont les zones de vigilance pour les établissements ? C’est-à-dire les mesures ayant des impacts significatifs nécessitant de lourdes adaptations (processus, systèmes d’information), mais qui pourraient être sous-estimés par les établissements ?
Le premier point de vigilance porte sur les obligations en matière de reporting qui seront plus exigeantes, tant en ce qui concerne le périmètre de ces reportings que leur contenu. Les établissements doivent en avoir pleinement conscience dans leur préparation.
Le second vise la meilleure exécution et les obligations à venir en matière de publications à mettre en place. C’est nouveau. L’AMF accompagnera les acteurs dans la mise en oeuvre mais une prise de conscience de leur part des enjeux est indispensable.
Les mesures relatives à la protection de la clientèle (gouvernance produits, informations sur les frais, information sur le conseil dépendant / indépendant) sont significatives et visent un objectif louable. Comment s’assurer d’atteindre l’objectif visé à savoir que l’information fournie soit réellement utile au client ?
La protection de l’investisseur est en effet un sujet majeur de MIFID2 et les textes développent les attentes de manière très détaillée. Ce niveau important de détail des textes n’a pas pour objectif d’augmenter la quantité d’information fournie, mais d’améliorer son homogénéité d’un intervenant à l’autre.
L’idée est de fournir des informations claires, précises et de permettre à l’investisseur de comparer des prestataires et des produits. C’est bien cet objectif qui ne doit pas être perdu de vue. La lisibilité pour l’investisseur est un aspect fondamental du texte.
Où en sommes-nous des travaux de transposition ? Peut-on craindre des divergences entre pays membres ?
Les travaux de transposition sur les textes adoptés par les législateurs (« niveau 1 ») ont débuté sous le pilotage de la direction du Trésor. L’AMF y contribue de façon importante en rédigeant un premier projet de texte législatif de transposition. S’agissant des mesures d’application («niveau 2»), leur éventuelle transposition dépendra du choix de la Commission européenne de les publier sous la forme de directive et/ou de règlement. Dans l’intervalle, l’AMF multiplie les échanges avec la place et les associations professionnelles afin de faire remonter les points qui pourraient poser problème ou qui suscitent de l’inquiétude. Le calendrier en est une : l’échéance de 2017 demeure et seule la Commission pourrait intervenir et modifier cette date. Elle a récemment évoqué avec le Parlement un décalage d’une année de la date d’entrée en application, mais la suite qui sera donnée à cette demande ne dépend pas de l’AMF.
Au niveau européen, l’ESMA a lancé un chantier auquel participe l’AMF, afin d’assurer la convergence des positions des États membres. Ce chantier donnera lieu à la publication de questions/réponses et/ou d’orientations de la part de l’ESMA, qui permettront de limiter les incertitudes et donc les écarts d’interprétation des textes d’un pays à l’autre.
Comment sont gérées les interactions avec d’autres textes, notamment Priips et surtout IDD, avec lesquels émergent de fortes zones de convergence ?
Il y a une vraie volonté au niveau européen d’assurer une protection homogène des investisseurs / clients quel que soit le support. Cette volonté forte se lit d’ailleurs dans MIFID2 puisqu’il est indiqué dans le texte que les mesures prises dans le secteur de l’assurance devraient s’en inspirer. L’avis technique de l’ESMA à la Commission fait lui aussi certaines référence aux dispositions déjà établies par les autres régulations (notamment en ce qui concerne les informations relatives aux coûts et charges), de manière à favoriser la cohérence entre les textes.
En France, dans le cadre notamment du pôle commun, l’AMF travaille conjointement avec l’ACPR afin d’assurer la convergence des approches de supervision des différents acteurs, en particulier dans le domaine de la commercialisation. Au niveau européen le Joint Committee qui regroupe l’ESMA, l’EBA et l’EIPOA vise ce même objectif. Il faut éviter tout risque d’arbitrage entre supports avec un objectif de protection analogue des investisseurs quel que soit le secteur d’activité des acteurs financiers.
Quelles sont les points d’attention pour un déploiement réussi de MIFID2 dans le respect du calendrier réglementaire très ambitieux ?
Même si tous les textes attendus ne sont pas publiés, la matière est déjà riche (textes de niveau 1, standards techniques, avis de l’ESMA à la Commission…) et justifie complètement un investissement des acteurs sur le sujet dès à présent. En effet, il faut très vite analyser les textes et en dégager les impacts sur l’organisation, mais parfois aussi la nature même des activités des acteurs (on peut penser en particulier à la nécessaire évolution des broker crossing networks…). Cette anticipation est nécessaire pour tirer parti des évolutions issues de MIFID2, et éviter de subir passivement le texte.