Le 21 juin dernier, la compagnie LOT était victime d’une attaque sur son système d’opérations au sol, clouant ainsi sur le tarmac une vingtaine d’avions pendant plusieurs heures. Quelques mois auparavant, un rapport du GAO, l’équivalent américain de la Cour des Comptes, publiait un rapport pointant du doigt les faiblesses du contrôle aérien en matière de sécurité. Cette exploitation de la vulnérabilité des systèmes alerte les prestataires de services de la navigation aérienne, les compagnies aériennes et les autorités publiques, alors même que les standards d’échange de données sont en pleine mutation.
Quels sont les risques de ces évolutions dans l’environnement aérien ? Comment s’en prémunir ?
Pourquoi le passage au protocole IP
Le protocole IP va devenir le standard général d’échange de données pour le contrôle aérien, dans le but de mettre en place un système de communication performant entre le sol et l’avion, ainsi qu’entre les avions eux-mêmes.
Les avions, naviguant désormais très précisément, peuvent ainsi négocier des ajustements de trajectoire en permanence. À terme, l’usage du protocole IP et des moyens de navigation satellitaires permettront de fluidifier le trafic aérien et d’améliorer la performance de l’espace aérien. Cette nouvelle génération de gestion du trafic aérien est mise en place aux États-Unis (programme NextGen) comme en Europe (programme SESAR – Single European Sky Air Traffic Management Research).
De nombreux acteurs seront connectés en même temps par le biais du système de gestion des données au sol SWIM (System Wide Information Management). Ce système permet de connecter de nombreux services comme la météo, le contrôle aérien, ainsi que différentes informations transmises par les compagnies aériennes et les aéroports.
À quels risques doit faire face l’environnement aérien ?
L’augmentation de la connectivité entre les différents systèmes d’information multiplie donc les possibles points d’entrée pour une attaque informatique. Des vulnérabilités nouvelles sont à prendre en compte, notamment par l’attaque des points les plus faibles comme les systèmes d’information des compagnies aériennes qui sont, par nature, plus ouverts vers le monde extérieur. Même si des systèmes de protection peuvent être mis en place pour protéger les différents SI communicant entre eux, la découverte et l’exploitation d’une faille n’est jamais qu’une question de temps.
Par ailleurs, les aéronefs communiquent sur le réseau hertzien, notamment avec des liaisons de données non cryptées (ADS-B – Automatic Dependent Surveillance Broadcast). Il est donc possible de capter des données en mode lecture en se connectant à la bonne fréquence et, par exemple, de géolocaliser des avions facilement. C’est ce que font certains sites internet comme flightradar24 qui présente une carte des avions en temps réel.
Des attaques par déni de service ou dans l’objectif de déstructurer le système afin de provoquer une crise de confiance (forcer l’envoi de fausses informations) sont donc plausibles. Elles pourraient rendre des centres de contrôles, et donc des espaces aériens entiers, inopérants pour des durées potentiellement longues comme dans le cas des avions de LOT.
Face aux diverses menaces, comment réagir ?
Le rapport du GAO est un signal d’alerte pour les problématiques similaires que peut rencontrer l’Europe notamment avec le programme SESAR. Il est nécessaire de réestimer les programmes en cours à l’aune de la cybersécurité. Une plus grande coordination à l’échelle européenne permettrait de prendre conscience d’un plus grand nombre de risques et de mettre en place des mesures de protection appropriées.
Le développement d’un domaine réglementaire fixant clairement les dispositifs de gouvernance et dont les rôles de chacun permettraient également de coordonner les efforts de chaque acteur afin d’éviter les redondances ou les impasses sur certains sujets de sécurité.
Toutes ces thématiques sont actuellement un sujet d’intérêt pour nombre d’autorités européennes comme en témoignent l’étude lancée par la SESAR Joint Undertaking en mai 2014 et la conférence organisée par l’EASA (European Aviation Safety Agency) sur la cybersécurité pour l’aérien en mai dernier. À l’échelle de la France, des groupes de travail existent sur ces sujets au niveau de l’ANSSI et de la DGAC.
Les risques sont donc connus, les acteurs identifiés, il faut maintenant aller vite et bien accompagner les acteurs qui conçoivent les systèmes pour éviter l’apparition de dispositifs vulnérables qui ne pourraient pas, notamment, être mis à jour en cas d’apparition de nouvelles menaces !