Certes considérée comme une avancée marquante dans la lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme (LAB/FT) en introduisant une approche par les risques, la 3ème directive européenne a rapidement été considérée comme non satisfaisante. Source d’une trop grande diversité dans les mesures nationales conduisant à des incohérences dans un contexte transfrontalier; impliquant des obligations simplifiées de vigilance conduisant à une exemption automatique de toute obligation de vigilance pour certaines catégories de clients/transactions. Mais cette 4 ème directive va-t-elle suffire ?
Une 4ème Directive Européenne plus ambitieuse
Depuis février 2013, une nouvelle directive est en effet en cours de rédaction. Ce processus a abouti avec l’adoption de la 4ème directive par le parlement européen le 20 mai 2015.
Elle répond à un double objectif :
- Adapter, d’une part le cadre juridique aux nouveaux risques de blanchiment et de financement du terrorisme.
- Mettre à jour, d’autre part la législation européenne en intégrant les recommandations du GAFI de février 2012.
Autant d’éléments indispensables entrant dans une dynamique plus importante de transparence et de fluidité dans la lutte anti-blanchiment.
8 avancées permises par la nouvelle directive
1 – Des mesures de vigilance plus strictes
La 4ème Directive met en place des mesures de vigilance minimales y compris en cas de risque faible, notamment en renforçant les contrôles sur la monnaie électronique anonyme. De plus, afin d’harmoniser l’analyse par les risques entre les Etats membres, des situations présentant un risque faible ou plus élevé sont listées en annexe.
2 – Une transparence accrue de l’information sur les bénéficiaires effectifs
La 4ème Directive introduit un nouvel « outil » dans le paysage de la LAB/FT, en mettant en place des registres centralisés sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales largement ouverts aux autorités de contrôle, organismes assujettis et au public. A noter toutefois que les mesures visant les trusts sont moins contraignantes que pour les autres personnes morales. Grâce à cette mesure qui accroît la transparence de l’information sur les bénéficiaires effectifs, les établissements devraient être plus à même de remplir leurs obligations de vigilance.
3 – Une liste européenne des juridictions non coopératives
L’Union Européenne publiera une liste noire des juridictions non coopératives regroupant les pays dont la législation est défaillante en matière de LAB/FT(Lutte anti-blanchiment/Financement du terrorisme). Cette liste prendra en compte les listes existantes dont celles du GAFI (Le Groupe d’action financière).
4 – Distinction des PPE nationales et étrangères
La notion de PPE (Personne Politiquement Exposée) est affinée et distingue PPE nationales et étrangères. Une PPE nationale est une personne physique qui est ou a été chargée de fonctions publiques importantes par un État membre. Alors qu’une personne physique qui est ou a été chargée de fonctions publiques importantes par un pays tiers répond désormais à la définition de PPE étrangère.
5 – Modification des prérogatives des Cellules de Renseignement Financiers (CRF)
L’indépendance opérationnelle et l’autonomie des CRF sont renforcées.
6 – Renforcement du contrôle interne et des procédures LAB/FT à l’échelle groupe
Les exigences en matière de contrôle interne ainsi que les procédures LAB/FT sont précisées et renforcées si la taille et la nature de l’activité le justifient :
- Obligation de mettre en œuvre des procédures de LAB/FT à l’échelle du groupe.
- Nomination d’un responsable du contrôle du respect des obligations LAB/FT.
- Mise en place d’une fonction d’audit interne indépendante.
7 – Durcissement des sanctions
La 4ème Directive prévoit une harmonisation minimale des sanctions applicables. De plus, elle introduit des plafonds de sanctions en distinguant les personnes physiques et les personnes morales de sorte que des sanctions pécuniaires puissent désormais être infligées aux personnes physiques.
8 – Révision du règlement (CE) n° 1781/2006
Le Règlement sur les informations accompagnant les virements de fonds dont la mise en application est simultanée avec la 4ème Directive a pour objectif de réformer le règlement actuel (CE) 1781/2006, de prendre en compte la recommandation n°16 du GAFI et enfin de renforcer les informations accompagnant les transferts de fonds en introduisant de nouvelles obligations relatives au bénéficiaire.
Une 4ème Directive pourtant déjà remise en question
Avant même son adoption, la nouvelle Directive suscite déjà des critiques. Tout d’abord, la notion de PPE est limitée aux seules fonctions nationales et internationales. Les décideurs régionaux et locaux qui pourtant présentent les plus grands risques de corruption ne seraient donc pas considérés comme des PPE.
Par ailleurs, sa mise en œuvre au sein des établissements financiers français devrait avoir peu d’impacts en France. En effet, l’Ordonnance de 2009 a été amendée par des modifications du code monétaire et des lignes directrices de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) afin d’anticiper les futures évolutions de la réglementation européenne et celles des recommandations du GAFI.
Cependant, dans le souci d’harmoniser les règlementations des Etats membres, l’affirmation des mesures de cette nouvelle Directive LAB/FT est indispensable. Dans cette lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, l’amélioration ne peut se faire que pas à pas. Et en ce sens, la 4ème directive apporte déjà une avancée qu’il serait dommage de remettre fondamentalement en cause.