De nos jours et plus que jamais, les organisations sont exposées à de multiples facteurs de risques aussi bien exogènes qu’endogènes. Les événements récents nous montrent à quel point le pilotage des crises est à la fois sensible et complexe et peut impacter durablement l’image et les actifs d’une entité. Parce que l’actualité nous le rappelle constamment et parce que non, cela n’arrive pas qu’aux autres : s’entraîner à gérer une crise n’est plus une opportunité mais une nécessité !
La notion de « crise » est perçue, dans nos sociétés modernes actuelles, de manière assez hétérogène, ce qui induit une certaine difficulté à en définir les contours précis. En effet, le terme de crise (économique, sociale, ou encore de réputation) est abondamment employé et ce, dans tous types de situations ou d’événements qui sont notamment relayés à la une des médias.
Étymologiquement parlant, le mot crise -issu du grec « Κρίσις »- associe les sens de « jugement » et de « décision » mis en œuvre pour dégager une décision entre plusieurs positions ou tendances opposées sinon conflictuelles.
Il s’agit bien ici d’exercer et donc d’entraîner une organisation à faire face à un ou plusieurs événements majeurs (quelles qu’en soient l’origine ou la nature – soudaine ou progressive), ayant des impacts considérables sur son fonctionnement et pouvant potentiellement mettre en péril ses ressources et donc ses actifs.
Pourquoi réaliser des exercices de gestion de crise ?
Avant tout parce qu’il s’agit du seul moyen tangible de s’assurer que les dispositifs mis en place sont opérationnels et en mesure de faire face à tous types de situations de crise. En effet, chaque organisation doit se préparer à gérer des situations complexes et déstabilisantes, y compris celles qu’elle n’a pas prévues voire imaginées.
Les objectifs d’un exercice de gestion de crise sont la validation du caractère opérationnel en termes organisationnel et humain des cellules de crise de l’entité dans le cas d’un événement majeur menaçant la bonne réalisation de tout ou partie de ses activités.
Les exercices permettent, dans un premier temps, de valider les procédures de remontée d’alerte jusqu’à la mobilisation des cellules de crise et, dans un second temps, de valider l’ensemble des procédures de gestion de crise prévues qui sont éprouvées tout au long de la session d’entraînement. Les exercices contribuent, bien évidemment, à faire monter en compétence les participants qui acquièrent, au fur et à mesure des exercices, l’expertise et les réflexes nécessaires à une gestion efficace de la situation.
Parce que la gestion de crise s’appuie sur des capacités humaines (capacité à anticiper, à prendre des décisions) et parce que chacun peut être amené à réagir de manière différente face à l’inconnu et au stress, s’entraîner c’est être prêt !
Enfin, il est à noter que la réalisation d’exercices de gestion de crise est une obligation réglementaire pour les établissements bancaires et financiers. Le régulateur s’assure que l’organisme a réalisé a minima une fois par an une action significative permettant d’attester que le dispositif a été éprouvé et qu’un plan d’actions d’amélioration a été établi. Idéalement, le niveau de difficulté des exercices devra être croissant et couvrir, à terme, les différentes typologies de crise.
Qui doit participer aux exercices de gestion de crise ?
Comme évoqué précédemment, les exercices de gestion de crise ont pour objectif d’éprouver les capacités d’une organisation à prendre des décisions dans un contexte inhabituel. Ils s’adressent donc en particulier aux membres des cellules de crises décisionnelles (CCD) qui sont généralement constituées des représentants du plus haut niveau de management de l’entité (Comité Exécutif ou Comité de Direction).
Lors d’un exercice de gestion de crise, les fonctions mobilisées au sein de la CCD peuvent varier selon le type de scénario joué ; cependant les expertises inhérentes aux ressources humaines, à la communication (interne et externe), au juridique, à la logistique, à l’informatique et au métier impacté sont habituellement sollicitées.
Afin de renforcer la robustesse du dispositif, il convient d’impliquer également les membres suppléants dans les exercices de gestion de crise, ceci permettant de se prémunir de tout défaut d’expertise au sein de la cellule de crise en cas d’indisponibilité du titulaire.
Il est aussi possible d’entraîner les cellules de crise opérationnelles qui ont pour rôle de mettre en œuvre les décisions prises par la cellule de crise décisionnelle.
Des exercices de crise au niveau national et international sont également organisés : le Groupe de Place Robustesse (composé d’établissements de crédit ou assimilés, d’infrastructures de marché, du HFDS du ministère de l’Économie et des Finances, de la Direction générale du Trésor, de la Fédération bancaire française, de la Banque de France, des autorités de supervision et de régulation telles que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Autorité des marchés financiers) se réunit régulièrement pour améliorer la robustesse de la place financière de Paris et pour échanger sur les expériences menées tant au sein des établissements que sur les autres grandes places financières. Des exercices de grande ampleur sont ainsi réalisés annuellement (panne d’électricité, pandémie H1N1, crue centennale de la Seine, Cyber-attaque…)
Quelles sont les étapes à réaliser pour la mise en place d’un exercice de gestion de crise ?
La première étape consiste à définir et valider les objectifs de l’exercice qui devront prendre en considération le degré de maturité de l’entité en termes de pilotage de crise (une ou plusieurs cellules de crise impliquées dans l’exercice). En effet, il s’agit de positionner le degré d’exigence attendu au niveau adéquat afin que les objectifs soient à la fois ambitieux mais atteignables (les objectifs doivent tenir compte des axes d’amélioration identifiés lors des précédents exercices afin de valider que les actions correctives ont bien été mises en œuvre).
La seconde étape consiste à retenir un macro scénario adapté à la fois au contexte de l’entreprise et aux objectifs fixés. Les scénarios envisageables sont divers et variés en fonction de l’origine (interne ou externe) et de la dimension (technique, économique ou sociale et organisationnelle) de la typologie de crise retenue. La palette de scénarios est vaste et s’étend du plus commun au plus inattendu :
- Incendie / explosion de gaz avec ou sans victime
- Cyber-attaque avec vols de données ou destruction du SI
- Panne informatique de grande ampleur
- Fraude interne ou externe
- Pandémie
- Mouvements sociaux
- Rumeur
- Catastrophe naturelle
- Attentats
- Enlèvement / séquestration voire disparition de dirigeants…
Le macro scénario est ensuite décliné en chronogramme détaillé qui reprend l’ensemble des stimuli qui seront adressés à la (ou aux) cellule(s) de crise tout au long de l’exercice (la durée de l’exercice peut s’étendre d’une à deux heures jusqu’à plusieurs jours !). Chaque stimulus constituant le chronogramme devra être formulé de manière concise et précise en reprenant les termes propres à l’entité (processus, noms et contacts des personnes simulées…) permettant ainsi de se rapprocher au maximum de l’organisation et de la configuration réelle de l’entité.
La phase d’animation consiste à jouer le scénario tel qu’il est prévu au sein du chronogramme. Une cellule d’animation, qui représente à la fois le monde extérieur et les autres acteurs de l’organisation, adresse aux cellules de crise testées (via mails, appels téléphoniques, captures d’écran d’articles de presse…) les stimuli en fonction du timing prédéfini. Les membres des cellules de crise jouent leur propre rôle et les observateurs présents dans la salle de crise consignent leurs observations en vue du débriefing. L’équipe d’animation veille à ce qu’aucune information ne sorte du cadre de l’exercice ceci permettant d’éviter tout déclenchement de crise « réelle ».
A l’issue de l’exercice, un débriefing à chaud est animé par le directeur de l’exercice au cours duquel chaque participant interagit et alimente les débats. Un rapport d’exercice reprenant les forces et faiblesses du dispositif est par la suite formalisé et adressé aux membres de la cellule de crise.
Les constats réalisés au cours des exercices permettent d’identifier les failles potentielles du dispositif qui font l’objet d’un plan de recommandation priorisé. L’entité devra établir, mettre en œuvre et suivre un plan d’action lui permettant de s’assurer de la résilience du dispositif mis en place. L’efficacité et la robustesse du dispositif de gestion de crise devront ensuite être éprouvées au cours des prochains exercices.