Les captives d’assurance ont longtemps eu mauvaise presse : outil d’optimisation fiscale, concurrent déloyal de l’assureur. Pourtant, dans un contexte d’encadrement du marché et de développement massif de méthodes alternatives de financement du risque, les captives pourraient se racheter une réputation et, dans le même temps, devenir un outil privilégié du risk management et ne plus être un simple outil d’optimisation fiscale ! Qu’est-ce qui explique ce revirement de situation ? La réglementation Solvabilité 2 semble être passée par là…
La captive d’assurance, un outil bien implémenté en France
Une captive est un montage juridique et financier orchestré par une société industrielle ou commerciale voulant se doter de sa propre compagnie d’assurance, sans que cela ne relève de son activité principale. La captive facture, tout comme un assureur classique, des primes à la maison mère et couvre en contrepartie leurs sinistres. Le concept de captives est attribué à Frederic Reiss. Ingénieur en protection contre le feu, il accompagnait dans les années 50 une entreprise cherchant à assurer les mines dont la production était exclusivement réservée à ses usines aux Etats-Unis. Parce qu’elles étaient appelées captive mines (captive signifiant prisonnier en anglais), Reiss a réutilisé cet attribut pour baptiser la compagnie d’assurance en question. Depuis, le terme a été généralisé.
Si l’assureur reste l’acteur principal du financement du risque, un grand nombre d’entreprises se tournent vers cette solution. Accor, Danone, Total, Carrefour, Alstom et bien d’autres ont succombé à la tendance ! En 2010, on comptait 5200 captives, contre 1000 en 1982.
La captive d’assurance, un outil traditionnellement aux mains du directeur financier
Le directeur financier a rapidement vu en la captive d’assurance une source de revenus supplémentaires, et ce à plusieurs égards.
En accédant directement au marché de la réassurance, l’entreprise optimise sa gestion des coûts. Moins vulnérable aux fluctuations du marché, elle peut faire rapidement varier la voilure de sa captive en fonction de la dynamique du marché et donc de ses intérêts. Le mécanisme lui permet également, dans une moindre mesure, d’économiser les frais d’intermédiation.
Elle permet parallèlement à l’entreprise d’améliorer sa rentabilité : via le mécanisme de consolidation, sa comptabilité bénéficie des résultats financiers de la captive. En outre, les profits et les fonds accumulés par la captive peuvent aisément bénéficier à la maison mère : indemnisation des sinistres, distribution de dividendes, liquidation ou vente de la captive.
Souvent la vision du directeur financier a été privilégiée, en témoigne la domiciliation de la plupart des captives qui relève clairement de l’optimisation fiscale : plus de 30% d’entre elles sont domiciliées aux Bermudes.
La captive d’assurance, un outil désormais au cœur de la gestion des risques
Entrée en vigueur en janvier 2013, la règlementation Solvabilité 2 a pour objectif affiché de garantir les intérêts des assurés face aux assureurs. L’assuré et l’assureur se confondant dans le cas des captives, il n’était pas évident que la réglementation s’applique à elles. Elle n’est pourtant pas dénuée d’effet : comme le montre Laure Léger, elle participe à une augmentation générale des coûts des captives via l’augmentation de l’exigence de capital (pilier 1) et la hausse des coûts de gestion (pilier 2). Enfin, au nom de la transparence (pilier 3), la directive oblige les captives à communiquer des informations jusqu’à présent classifiées comme confidentielles.
Face à ces nouvelles contraintes le directeur financier verra en Solvabilité 2 une incitation supplémentaire à domicilier sa captive dans un pays à fiscalité privilégiée et le risk manager une opportunité pour sortir son épingle du jeu et se réapproprier le concept de captive !
On l’oublie souvent mais la mise en place d’une captive a pour objectif initial de répondre à des problématiques de risk management en couvrant les risques non pris en charge par le marché des assurances. Aussi, les risques dits non assurables trouvent enfin leurs assureurs. Si « catastrophe naturelle » sont souvent les seuls et uniques mots qui nous viennent à l’esprit lorsqu’on veut accoler l’adjectif « non assurable » à un risque, leur nombre est susceptible d’augmenter et ce pour deux raisons. Tout d’abord parce que de nouveaux risques, à l’image de la cybercriminalité, apparaissent et ne sont pas, aujourd’hui encore, couverts de façon satisfaisante par les acteurs traditionnels du marché. Ensuite parce que les assureurs, du fait de la hausse du coût du capital induite par Solvabilité 2, risquent de cesser de couvrir certains dommages qui ne seraient plus aussi rentables et participeraient indirectement à agrandir le champ d’action d’un de leurs concurrents, la captive !
Solvabilité 2 participe certes, on l’a vu, à une augmentation du coût du capital d’une captive mais incite également et indirectement les entreprises à améliorer l’amortissement d’un tel investissement. Pour ce faire, elles n’ont pas d’autres choix que de renforcer leurs stratégies de contrôles des risques. Elles doivent parallèlement optimiser leurs programmes d’assurances. Pour ce faire, elles disposent de deux leviers : une meilleure gestion des rétentions qu’elle doit financer (part du risque à la charge de l’assuré) et la création des polices d’assurance adaptées à ses besoins et à ses contraintes financières également.
En définitive, deux vents contraires semblent jouer en faveur des captives d’assurance. En effet, si le contexte réglementaire actuel semble être défavorable aux captives, il participe également à leur légitimation : elles doivent faire face aux mêmes contraintes que leur grand frère, l’assureur traditionnel. Dans le même temps, la frilosité des assureurs à prendre en charge les nouveaux risques poussent les entreprises à mettre en place leurs assurances home made. Au regard du contexte actuel, il est donc de la responsabilité du risk manager de s’associer avec son confrère, le directeur financier, afin de donner les moyens à sa captive de jouer pleinement et simultanément sur le volet fiscalité mais aussi sur celui de la gestion de crise. De cette façon, il gagnera en efficacité mais aussi en visibilité au sein de la direction générale.