Parce que l’ouverture est la meilleure posture pour s’adapter à un environnement complexe et mouvant, les grandes entreprises se transforment sous l’impulsion de l’ère digitale. Cette mutation redessine les contours même de l’entreprise. Elle est le fruit de deux forces, une force d’ouverture externe, qui reconfigure l’entreprise pour capter les idées, les ressources et une force d’ouverture interne, qui décloisonne les silos et fait circuler l’information. Forme naturelle des start-ups technologiques, elle suppose en revanche une profonde transformation des grandes entreprises.
L’entreprise, plateforme ouverte à l’externe
Ses frontières s’ouvrent et intègrent des parties prenantes (clients, fournisseurs, prestataires de services, institutions…) faisant des entreprises des « architectes » de leur écosystème. La forme même de l’entreprise change ; elle se reconfigure en plateforme ouverte aux start-ups, comme Coca-Cola et ses neufs accélérateurs de start-up.
Lors du développement de produits ou services, de découverte de nouveaux marchés, d’accompagnement de clients spécifiques, l’entreprise se rend compte qu’elle ne peut plus faire seule, elle se tourne alors vers l’externe. L’open data, le crowdsourcing et plus largement l’open innovation ouvrent les processus d’innovation à la participation d’acteurs externes. En France, les acteurs du transport (SNCF, RATP, KEOLIS…), les collectivités territoriales (ETAPAP), sont particulièrement actives dans la mise à disposition des données publiques, permettant aux développeurs de créer des applications à valeur ajoutée. Les réseaux d’énergie devenant Smart, gageons que les grands énergéticiens verront bientôt fleurir les start-ups utilisant leurs données.
L’open innovation se fait également par la valorisation d’actifs dormants, ou non “cœur de métier” (brevets, compétences…), en les faisant sortir des contours de l’organisation par la création de filiales, de joint-ventures ou de licences. C’est ainsi que le Wall Street Journal a évalué à 3 milliards de dollars le revenu de Procter&Gamble issu de ses technologies sous licence. Nombreuses sont les entreprises, qui ouvrent toujours plus de canaux d’expression aux clients, rendant les échanges individuels ouverts à tous et permettant de capter les signaux externes.
L’entreprise, réseau de coopération ouvert en interne
L’innovation collaborative, le travail « en mode projet », favorisent le décloisonnement et ouvrent l’entreprise en interne. L’organisation en réseaux vient challenger les organisations traditionnelles et matricielles. Les réseaux sociaux d’entreprise viennent casser les silos et compléter l’information top-down. Les communautés de pratique créent plus de coopération. L’intégration des applications métiers de l’entreprise permet plus de coordination. Les usages privés (BYOD, utilisation professionnelle des outils Twitter, Linkedin, Facebook) pénètrent la sphère de l’entreprise, effaçant encore un peu plus ses frontières.
Dépassant les seules valeurs de performance individuelle, l’entreprise « ouverte » valorise les capacités de transversalité, de collaboration, de partage. Au niveau managérial, ces nouveaux modes de fonctionnement favorisent un leadership d’influence et non plus uniquement hiérarchique. Les managers jouent un rôle crucial dans cette transformation, source de résistance ou d’accélération. Les nouvelles compétences qu’ils devront incarner sont celles d’un animateur capable de favoriser la coopération, de mobiliser l’intelligence collective, de gérer le temps collectif et de valoriser les contributions de tous.
L’ouverture, un projet de transformation
De nombreuses entreprises sont aujourd’hui dans cette étape d’ouverture, les projets se multiplient. Ces projets se heurtent néanmoins à des écueils tels que la difficile valorisation des bénéfices indirects de ces projets (l’agilité est difficilement quantifiable), aux problématiques de confidentialité, de sécurité, de propriété intellectuelle, de maîtrise de la réputation, à la remise en cause de schémas managériaux établis.
Cette mutation n’est pas naturelle pour tous, les projets de transformation des grandes entreprises pour se reconfigurer en entreprise « ouverte » doivent être structurés pour réussir. Ils touchent à la fois la culture, les flux d’information, la structure, les systèmes d’information et de management de l’entreprise. La cohérence passe d’abord par des objectifs et une trajectoire clairs et partagés. Les modes de pilotage doivent s’adapter aux spécificités de l’entreprise en réseau et supposent une grande fluidité de l’information.
Si la forme de l’entreprise de demain est bien une plateforme, elle reste le socle stable sur lequel tout peut être construit.