La synthèse des travaux du Débat National sur la Transition Énergétique (DNTE), parue en juillet dernier, insiste sur les bâtiments (enjeux de performance thermique) et les transports (montée en puissance de la mobilité durable). L’objectif : consommer toujours moins et faire de plus en plus appel aux énergies renouvelables (électricité et gaz). Le gaz, nous l’avons vu, a toute sa place dans le mix énergétique de demain. Certes complémentaire avec l’électricité renouvelable,il est également l’énergie fossile qui émet le moins de CO2 et de particules et qui permet de produire de l’électricité de manière très réactive en
période de pic. Observons-le de plus près.
Le biogaz : vedette des gaz renouvelables
Lorsque l’on parle de gaz renouvelable, on pense d’abord au biométhane, produit par la fermentation de matières organiques, en l’absence d’oxygène : c’est la méthanisation. Ce biogaz peut être injecté dans les réseaux de transport et de distribution pour être consommé.
Depuis 2012, des injections de biométhane ont eu lieu sur le réseau de distribution de GrDF en Seine-et-Marne et en Moselle.
D’autres pays européens sont nettement en avance par rapport à la France : l’Allemagne, la Suisse les Pays-Bas entre autres possèdent déjà plusieurs usines de production capables d’injecter du gaz vert dans les réseaux. L’Allemagne est loin devant avec 82 usines en 2011.
Si les quantités produites sont aujourd’hui limitées, des projets de sites de production de plus de 5 Twh sont en cours de montage, et l’on pourra être demain sur des volumes globaux très significatifs. Par ailleurs, la recherche investigue d’autres pistes de production de biométhane, comme par exemple à partir de la pyrolyse de biomasse ligneuse.
Power to gas / gas to power : les jeunes premiers
Un nouveau modèle énergétique renforce la complémentarité entre l’électricité et le gaz : celui du power to gas / gas to power.
Le power to gas correspond à la production de gaz de synthèse à partir d’électricité. Notre conviction est que cela n’a de sens que s’il s’agit d’excédents d’électricité renouvelable non consommés en période de basse consommation. Dans ce cadre, le power to gaz produit bien du gaz renouvelable.
Concrètement le gaz est produit par électrolyse : il s’agit d’hydrogène (H2), ou de méthane (CH4). Ces gaz de synthèse peuvent être injectés dans les réseaux de transport et de distribution de gaz en respectant, pour l’hydrogène, un pourcentage maximum. Ils sont ensuite utilisés comme le gaz naturel. Lorsqu’ils sont utilisés pour produire de l’électricité par les Centrales à Cycle Combiné Gaz (C3G), en particulier pour couvrir la pointe, on parle de gas to power .
À noter que la valeur environnementale du méthane de synthèse peut être renforcée si le CO2 utilisé pour l’électrolyse est issu du captage / stockage de CO2.
Contrairement au biométhane qui se développe aujourd’hui de façon opérationnelle, on est ici dans le registre de la recherche appliquée (pilotes, démonstrateurs).
Gaz véhicule : le futur poids lourd
Le gaz naturel véhicule présente déjà un avantage concurrentiel par rapport au pétrole sur le plan du CO2 et encore plus des particules et un avantage compétitif sur la voiture électrique d’un point de vue des coûts. Avec le développement des gaz renouvelables (biométhane, méthane de synthèse), le bénéfice environnemental du gaz véhicule (GV) sera progressivement renforcé. Sachant que la consommation des carburants routiers représente en France 50 millions de mètres cubes, on voit bien l’enjeu de cette transition. On est ici dans un domaine opérationnel en fort développement, comme le prouve Audi, très investi sur le sujet.
Les réseaux gaz au centre de cette économie renouvelable
Le biométhane, les gaz de synthèse, le gaz véhicule supposent l’existence et le développement de réseaux de transport et de distribution de gaz. Il s’agit de raccorder les sites de production et de consommation (stations-services GV) et d’acheminer le gaz correspondant. Cela peut se faire à grande échelle, par exemple pour approvisionner un réseau de stations couvrant le territoire, ou à petite échelle dans le cadre de politiques énergétiques de type « économie circulaire ».
La synthèse de la commission du DNTE met bien en avant la contribution des réseaux gaz à travers l’une des actions de l’enjeu n°9 : « favoriser un rôle nouveau des réseaux de gaz, notamment pour soutenir le système électrique comme élément de stockage par la production de gaz de synthèse (hydrogène, méthanation) et pour les transports, et en privilégiant un recours croissant au gaz d’origine renouvelable ».
Somme toute, la transformation touche à la fois les finalités des réseaux et les usages du gaz. Du raccordement des installations de biométhane, à la constitution de stocks de gaz en passant par la mise en place des injections sur le réseau et la desserte des stations de GV, le renouvellement est profond. Bien sûr, beaucoup d’éléments restent à préciser si nous voulons que cette nouvelle vision des réseaux gaz se concrétise. Les conditions réglementaires, techniques et tarifaires sont encore à l’état embryonnaire. Les jeux d’acteurs et les moyens de financement des projets sont encore flous. Pour nous, comme indiqué dans le rapport du DNTE, une chose est sûre : la transition énergétique passera par les réseaux gaz. Ceci ayant d’autant plus de sens que cela permet à la société de tirer plus de valeur d’un actif industriel existant et financé par le tarif régulé.