Le principe d’effacement des consommations d’électricité des industriels et particuliers reste, à tort, l’un des grands absents du débat sur la transition énergétique qui a animé la société ces derniers mois. L’effacement est en effet amené à se développer considérablement au cours des prochaines années, contribuant ainsi à maintenir l’équilibre offre / demande sur le réseau électrique.
Mais qu’est-ce que l’effacement ? À quels enjeux répond-t-il ? Quel est son potentiel de développement ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir.
Les mystérieuses sphères de l’effacement…
Si on met de côté l’effacement tarifaire, il existe deux principaux types d’effacement : l’effacement diffus ou résidentiel qui s’adresse essentiellement aux particuliers et l’effacement industriel qui concerne, comme son nom l’indique, les entreprises du secteur éponyme.
Regardons tout d’abord l’effacement diffus. Ce dernier consiste à réduire temporairement et de façon synchrone la consommation d’électricité d’un grand nombre de logements. Il se concentre d’ailleurs uniquement sur certains équipements du foyer, principalement les radiateurs, les climatiseurs et les chauffe-eaux. L’effacement est activé à distance par un agrégateur d’effacement, par exemple via un module installé sur le compteur des clients.
Côté entreprises, à présent, l’effacement est géré tout autrement. Il peut être par exemple réalisé de deux façons : soit directement par l’industriel qui accepte d’arrêter de lui-même momentanément certains équipements électriques de son usine, soit par l’intermédiaire d’un agrégateur chargé d’effacer simultanément un grand nombre de petits industriels.
Dans les deux cas, selon le type d’installation et le mode de consommation, l’effacement peut se traduire par une baisse temporaire de consommation avec ou sans report(1), voire une anticipation de la consommation.
À quels enjeux répond l’effacement ?
L’électricité est difficilement stockable en grande quantité. Par conséquent, un équilibre doit donc être maintenu en permanence entre l’électricité produite (injectée sur le réseau) et l’électricité consommée (soutirée du réseau).
Cet équilibre est particulièrement complexe à maintenir aux moments des pics de consommation hivernaux dont le seuil est très élevé en France et ne cesse d’augmenter.
La gestion de ces pics de consommation est problématique et ce pour diverses raisons.
Tout d’abord, il y a la question de l’efficacité énergétique. Les moyens de production sollicités lors des pics de consommation sont essentiellement les centrales thermiques et des centrales de pointes (qui fonctionnent au fioul) plus flexibles et donc plus adaptés à des variations de production.
Ces moyens de productions sont plus émetteurs de CO2 que les moyens de production nominaux.
Il y a aussi la problématique des coûts. L’ensemble de la chaîne du réseau électrique doit être en effet dimensionnée pour produire, transporter et distribuer un volume d’électricité qui n’est atteint que quelques heures par an.
Les unités de production de pointe nécessitent des investissements conséquents qui ne peuvent pas être rentabilisés car les prix pratiqués sur le marché sont trop faibles pour couvrir les coûts.
Pour les rentabiliser, on estime qu’il faudrait revendre l’électricité produite par les centrales de pointes vingt fois le tarif d’achat des industriels.
Pour finir, regardons l’aspect Sécurité du réseau. Les infrastructures du réseau de transport et du réseau de distribution doivent être dimensionnées pour garantir la sûreté du système électrique français à tout instant.
Chaque année, les pics de consommation provoquent des blackouts à plus ou moins grande échelle.
Malgré les nombreux investissements réalisés sur le réseau électrique Français, la CRE estime que le système électrique ne pourra – sauf rupture forte – plus faire face aux pics de consommation dès l’hiver 2015.
État des lieux et perspectives
Depuis 2003, de nouveaux acteurs se sont développés sur ce secteur d’activité :
- Des opérateurs d’effacement industriel dont Novawatt et Energy Pool ainsi que des opérateurs d’effacement diffus comme Voltalis.
- Des fournisseurs ou filiales dont Edelia (EDF) et Ecometering (GDF SUEZ);
- Des consommateurs tels qu’Air Liquide FI et Solvay Energy ;
Alors que le marché de l’effacement représente déjà des milliards d’euros aux États-Unis, il représente aujourd’hui moins de 30 millions d’euros en France.
Le faible développement de l’effacement en France s’explique par le modèle économique non pérenne de l’effacement. Aujourd’hui, les opérateurs d’effacements sont rémunérés par RTE qui achète les blocs d’énergie effacés pour garantir l’équilibre du réseau.
Les industriels touchent une indemnité lorsqu’ils sont effacés, en revanche les particuliers ne sont pas rémunérés. Le seul avantage des particuliers repose dans la mise à disposition d’un service de suivi des consommations et dans la baisse effective éventuelle de leur consommation donc de leur facture.
De futures évolutions règlementaires devraient permettre de définir un modèle économique pérenne pour l’effacement des consommations :
- Les opérateurs d’effacement toucheront une prime au nom du bénéfice de l’effacement pour la collectivité car l’effacement permet d’apporter une réponse économique et écologique aux enjeux des pics de consommation ;
- Les consommateurs finaux permettront de financer cette prime via la CSPE (contribution au service public de l’électricité) ;
- Les particuliers et industriels acceptant d’être effacés devraient être rémunérés au titre des effacements réalisés.
Aujourd’hui, la consommation électrique française est peu élastique car les signaux tarifaires ne reflètent pas les prix du marché de l’électricité. Par ailleurs, pour la majorité des consommateurs, le pas de mesure des relèves n’est pas assez fin pour facturer la consommation en fonction de l’heure à laquelle l’électricité a été consommée.
L’effacement représente donc la seule réponse fiable permettant de répondre aux problématiques d’équilibrage du réseau électrique, notamment en lissant les pics de consommation.
Les évolutions règlementaires à venir devraient permettre de trouver un modèle économique viable pour l’effacement.
(1) Le report de consommation signifie que l’énergie qui aurait dû être consommée par l’industriel ou le particulier pendant la durée de l’effacement sera consommée à posteriori.