Le projet de loi de programmation militaire a été présenté au conseil des ministres le 2 août. En attendant de disposer du texte complet, un dossier résumant les points clés a été publié par le ministère de la défense. Ce dernier est plein d’enseignements sur les évolutions à venir en matière de cyberdéfense et de cybersécurité.
Il met en particulier l’ANSSI au cœur de la future stratégie de la France dans ce domaine en renforçant ses pouvoirs et sa capacité d’action. La majorité de ces points étaient connus ou envisagés depuis la publication du livre blanc Défense et sécurité nationale 2013. Mais ce document donne plus de détails sur les moyens déployés et les orientations à venir.
Les opérateurs d’importance vitale (OIV), sous le contrôle rapproché de l’ANSSI
Le texte prévoit que le Premier ministre, avec l’aide de l’ANSSI, puisse imposer aux OIV, sur leurs périmètres sensibles, la mise en place de mesures de sécurité, la qualification des systèmes de détection et la réalisation d’audit par l’ANSSI. Comme prévu, la notification des incidents est intégrée au texte. Elle se définit par l’obligation de fournir « des informations sur les attaques qu’ils peuvent subir ».
Au delà du guide d’hygiène informatique qui pourrait être la base des mesures imposées, l’ANSSI travaille actuellement sur d’autres référentiels, par exemple sur les systèmes industriels ou sur le cloud.
En cas de non-respect de ces obligations, des sanctions pénales sont prévues. Il se posera alors la difficile question des moyens à disposition pour respecter ces obligations. Aujourd’hui, même si la sécurité est souvent préservée des coupes budgétaires, les budgets alloués sont souvent trop faibles au regard des enjeux et des risques. Espérons que cette réglementation, au-delà de paraître « intrusive », aura des vertus pédagogiques et fera prendre conscience aux dirigeants des OIV des réels enjeux de sécurité et permettra le déblocage de ressources.
La lutte informatique défensive dans le champ d’action de l’ANSSI
Le récent rapprochement « géographique » entre le CALID (centre d’analyse en lutte informatique défensive) du Ministère de la Défense et le COSSI (centre opérationnel en sécurité SI) de l’ANSSI le laissait présager. Il y a aujourd’hui une volonté de renforcer les capacités de lutte informatique défensive au sein de l’Etat. L’ANSSI sera ainsi en mesure « d’accéder à un serveur informatique à l’origine d’une attaque afin d’en neutraliser les effets ». C’est une première dans ce domaine. Des dispositifs juridiques sont prévus pour que ces actions ne rentrent pas dans le champ des articles 323-1,2 et 3 du code pénal qui répriment des actions de ce type.
Le volet militaire n’est pas en reste : recrutements et investissements sont prévus
De nombreuses autres évolutions sont prévues, en particulier dans le domaine du développement des capacités de cyberdéfense militaire avec la mise en place d’une chaîne opérationnelle unifiée, centralisée et spécialisée. Le projet de loi prévoit la mise en place des capacités défensives mais aussi offensives pour préparer ou accompagner les opérations militaires. Les moyens humains seront renforcés et des investissements sont également prévus en particulier pour mieux surveiller les systèmes critiques. La DGA sera en charge de la composante technique de cette organisation.
L’Etat investit dans la cybersécurité… mais les entreprises restent à convaincre
Nous ne sommes qu’au début du processus législatif et les débats au parlement et au sénat amèneront certainement des modifications. Cependant, l’orientation est claire et tout cela va dans la bonne direction pour renforcer nos capacités de défense face à des attaquants de plus en plus virulents et pointus.
Enfin, ce projet de loi démontre que l’État a compris les enjeux de la cybersécurité et investit fortement dans ce domaine. Espérons que cela sera un électrochoc pour les organisations privées, aujourd’hui en retrait face aux évolutions de la cybercriminalité.