Alors que les mutuelles et compagnies d’assurance tentent de remettre les dépenses de leurs affiliés sous contrôle, qui n’a pas entendu parler de réseau de prestataires agréés en assurances ? L’une après l’autre, chaque branche d’assurance a mis en place un dispositif permettant de réduire les coûts d’indemnisation, en échange d’une promesse de chiffre d’affaire additionnel pour les prestataires, tout en en augmentant la qualité de service pour l’assuré. C’est notamment le cas dans le secteur de l’automobile, où les réseaux de garage agréés sont courant.
L’assurance santé n’y fait pas exception, avec cependant plusieurs spécificités.
Premièrement les prestataires de santé appartiennent au corps médical (Médecins, Pharmaciens, Dentistes, Infirmiers). Ils sont donc affiliés chacun à un ordre qui participe, entre autres, à la régulation de leur nombre.
Deuxièmement, les prestataires de santé, qu’ils appartiennent au corps médical ou non, sont soumis à une convention de gestion délivrée par la CPAM dont ils dépendent. Cette convention détermine la tarification applicable aux assurés et par voie de conséquence les remboursements respectifs des régimes généraux, complémentaires et parfois sur-complémentaires.
Troisièmement, cohabitent à la fois, des prestataires issus du corps médical ou paramédical (Orthoptistes, Orthopédistes, ..) mais aussi d’autres qui appartiennent au secteur marchand (Opticiens, Taxis, …).
Cette variété de situations a contribué à freiner la mise en place de réseaux de prestataires agréés.
Un réseau de soins de santé se compose donc le plus souvent d’un ensemble de professionnels exerçant le même métier (dentistes, opticiens, audioprothésistes, ostéopathes, …) qui répondent aux critères définis par un cahier des charges (accueil, compétences professionnelles, infrastructure, structure tarifaire, fournisseurs, …)
Comme toujours, les premiers à s’intéresser à ce sujet sont les payeurs. Les assureurs, instituts de prévoyance, mutuelles ont, soit constitué leur propre réseau (MGEN, Itelis avec AXA, …) , soit se sont regroupés (Harmonies-Mutuelle et Malakoff Médéric avec Kalivia, MMA, MAAF, ALLIANZ et IPECA avec Santéclair, …). Parfois encore, des réseaux se sont constitués autour d’un opérateur de tiers payant (Viamedis, SP Santé, …). La réalité de l’offre de service de ces réseaux est très différente, depuis le transport de flux (factures de soins de santé) jusqu’à la modulation voir la régulation tarifaire.
On distingue également les réseaux «ouverts» (satisfaction à un cahier des charges) et réseaux «fermés» (idem précédent + numerus clausus, par spécialité, sur une zone de chalandise).
Quelles lois régissent ces réseaux de soin de santé ?
Le recours à ces réseaux par les assureurs est encadré et dépend du socle juridique d’appartenance. C’est le cas notamment sur la partie différentiation du remboursement. Seuls les assureurs (code des assurances) et les instituts de prévoyance (code de la sécurité sociale), ont cette possibilité, ce qui leur accorde pour quelques temps encore un avantage concurrentiel par rapport aux mutuelles (code de la mutualité).
Dès 2009, l’autorité de la concurrence a rendu un avis favorable sur le développement des réseaux de soins de santé permettant dit-elle « de perturber positivement la concurrence [… ] de manière à freiner ou mettre fin aux hausses constatées sur les marchés concernés … ».
Cette possibilité a déjà failli être étendue aux mutuelles l’année passée, au travers de la Loi Fourcade (art 22). Ce n’est qu’in extremis que la commission mixte paritaire n’a finalement pas permis de modifier en conséquence le code de la mutualité. En revanche, au travers de cette même loi les réseaux fermés ont vu leur existence confirmée (art 22 bis).
Cette année arrive la proposition de loi Leroux, discutée à l’Assemblée nationale à partir de début Juin 2013. Il est question d’offrir la possibilité aux mutuelles de différencier les remboursements auprès des adhérents au travers de réseaux de soins. Cette possibilité est restreinte à l’optique et le dentaire. Un refus de cette loi serait un handicap de plus pour les mutuelles dans la course à la généralisation de la complémentaire pour tous les salariés.
Quels scénarios peut-on envisager pour l’avenir ?
L’efficacité des réseaux de soin ne fait plus débat ; Malakoff Médéric communique par exemple sur une baisse de 25% des prix sur son portefeuille de prestation en optique, Santéclair sur le chiffre de -40% dans certains cas.
Pour l’instant, la commission mixte paritaire a écarté la médecine de ville du périmètre de la loi, qui échappe donc à une possible régulation tarifaire. La participation récente de Santéclair, en collaboration avec le CISS (collectif inter-associatif sur la santé) à la création d’un observatoire sur les dépassements d’honoraires est précurseur du mouvement qui s’annonce : les français ont versé l’année dernière 40 Milliards aux professionnels de santé exerçant en libéral dont 7 milliards en dépassement… Une somme énorme qui ne saurait être négligée.
Aujourd’hui acteurs de régulation et de solvabilisation pour l’optique et le dentaire, les résaux de soins ne demandent donc qu’à s’étendre… trois scénarios se dégagent.
Le premier scénario est le cantonnement : les RSS seront restreints au secteur ‘marchand’ tout en tutoyant parfois les prestataires adossés à un ordre (exemple : ordre des dentistes).
Le deuxième scénario est le remboursement différentié en fonction des revenus – qui se développerait en parallèle d’un remboursement différencié également par la sécurité sociale. L’attrait des assurés pour les réseaux augmenterait mécaniquement en fonction des revenus – en effet, un cadre dirigeant, moins remboursé qu’un chômeur, irait vers ses réseaux pour trouver un remboursement élevé. Nous assisterions alors probablement à une redéfinition des segments du marché, peut-être même à une américanisation du système, c’est-à-dire à une médecine à 2 vitesses.
Enfin, on peut envisager un troisième scénario, de rupture, où les pouvoirs publics prendraient exemple sur les RSS en optique pour créer un réseau «médecine de Ville», tout en laissant les autres risques à des réseaux privés.
Avec 1 habitant sur 3 âgé de plus de 60 ans en 2050, la radicalité des scénarios à venir nous surprendra sans doute ; les moyens devront être à la hauteur des enjeux.
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