Depuis juin 2012, 1700 Bluecars viennent se brancher aux bornes de recharge Autolib’. Un nombre encore restreint par rapport aux 4.5 millions d’automobiles électriques attendues par RTE à l’horizon 2025, mais une première étape qui nécessite de se poser deux questions : quels peuvent être les impacts sur le réseau électrique français d’un développement massif des véhicules électriques ? Ce succès annoncé représente-t-il une menace ou une opportunité pour le réseau électrique ?
Un nouvel usage qui peut mettre à l’épreuve l’équilibre offre / demande
La mise en circulation de 2 millions de véhicules électriques (objectif 2020) représente une énergie de recharge annuelle d’environ 5 TWh, soit 1% de la consommation totale française. Ceci peut être vu comme négligeable. Cependant, le véritable impact de la recharge est le risque d’appels de puissance conséquents après les trajets travail-domicile du soir, soit exactement pendant la pointe de consommation. Or, pour faire face à ces pics, l’activation de moyens de production thermiques est nécessaire, induisant un recours à des ressources polluantes et coûteuses. Ainsi, l’impact environnemental positif intrinsèque au véhicule électrique s’en retrouverait phagocyté, tout comme l’attrait économique d’une énergie de recharge peu chère. On voit donc qu’une charge dérégulée des véhicules électriques pourrait accentuer les pointes de consommation et dénaturer l’aspect écologique et économique des véhicules électriques.
Le pilotage intelligent de la charge des véhicules électriques
L’avènement du véhicule électrique repose sur une recharge majoritairement en dehors des périodes de pointe afin de ne pas concourir à l’accentuation des pics de consommation. Deux solutions sont envisageables pour relever ce défi : le signal tarifaire pour les particuliers et la mise en place de flexibilités, soit chez les particuliers, soit chez les gestionnaires d’infrastructures de recharge.
En effet, le fournisseur peut participer à lisser la consommation des véhicules électriques via une incitation tarifaire forte à la recharge pendant les heures creuses. Un tel signal de prix encouragerait ainsi la « recharge intelligente » : les utilisateurs, par souci d’économies, privilégieraient une recharge lente en heure creuse à une recharge rapide qu’ils ne solliciteraient qu’exceptionnellement.
De plus, à l’instar de l’activation automatique des chauffe-eau en fonction des signaux heures pleines-heures creuses, des systèmes automatiques de déclenchement de recharge peuvent être mis en place chez les particuliers. Pour ce faire, l’opérateur de ces systèmes communique avec les véhicules afin de collecter leurs besoins puis, en fonction des tarifs, établit un profil de charge adapté répondant aux différentes contraintes.
Enfin, un pilotage de flexibilité de puissance doit également être réalisé au niveau des gestionnaires d’infrastructures de recharge. Ce pilotage consisterait à donner des marges de manœuvre à des acteurs de l’équilibre local au niveau de chaque borne de recharge. Par exemple, en cas de sur-disponibilité d’électricité, il s’agirait de pouvoir accélérer la charge des véhicules électriques connectés aux bornes. Notons que le modèle de développement des véhicules électriques doit prendre en compte ce rôle que revendique notamment le distributeur.
Une gestion intelligente du réseau électrique est donc indispensable à l’essor du véhicule électrique. Véritable facteur clé de succès, il assure à la fois la satisfaction des besoins utilisateurs, et l’optimisation des ressources des exploitants.
Une opportunité sur la chaîne de valeur de l’électricité
En plus du pilotage qui peut permettre d’optimiser la recharge des véhicules électriques et les ressources électriques localement disponible, leurs batteries constituent une opportunité pour la gestion du réseau électrique. Car la batterie pourra être utilisée comme un moyen de stockage et de flexibilité supplémentaire.
Ainsi, il s’agirait de :
- Favoriser les charges lorsque l’électricité est disponible ; par exemple lors de production importante de sources d’énergie intermittentes ;
- Provoquer les déchargements de batteries dans le réseau lorsque la demande est forte.
C’est le principe du Vehicle to Grid (V2GRID). L’exploitation du stockage d’énergie, couplée à une charge / décharge pensées, concourent finalement aux intérêts des producteurs, des acteurs de l’équilibre et des utilisateurs.
Elle confère un avantage aux producteurs en améliorant le taux d’utilisation des centrales de production de pointe et en consommant la production intermittente des producteurs d’énergies renouvelables. Elle permet aux acteurs de l’équilibre d’optimiser le réseau électrique et de réduire les investissements. Elle offre la possibilité aux utilisateurs de véhicule électrique, via une programmation intelligente (charge en heures creuses, décharge sur le réseau en heures de pointe), d’optimiser leur facture électrique. Son impact écologique est également notable : une stratégie V2G permettrait d’éviter l’émission de 150 à 200 000 tonnes de C02 lors des journées de pointe selon le transporteur d’électricité RTE.
Le véhicule électrique basé sur un réseau de charge intelligent ne pèse donc pas sur le réseau électrique. Bien au contraire, une gestion flexible de leur charge amplifie les atouts du véhicule électrique : elle valorise en définitive une électricité plus verte et plus économique. Sa mise en œuvre demeure en revanche à construire par les industriels, les équipementiers, les pouvoirs publics et les énergéticiens.
La construction de la normalisation et des use cases afférents constitue donc un des leviers qui pourra permettre de fournir ces flexibilités. Alors que le sujet se trouvait préempté par les constructeurs automobiles et les fournisseurs, il est primordial que les gestionnaires des réseaux puissent faire entendre leur voix.
[Article rédigé en collaboration avec Elisabeth Alexandre, consultante]
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