Selon l’Institut de recherche français l’Idate, les téléviseurs connectés seront d’ici à 2020 utilisés pour afficher environ 63 % des nouveaux services de vidéos diffusés par des géants de l’internet tels que Google, YouTube, Facebook ou encore Amazon. L’institut prévoit également que le marché de la télévision dans le monde augmentera de 4,7 % par an pour atteindre 355 milliards d’euros en 2020. Mais la télévision connectée n’est-elle pas déjà une réalité aujourd’hui ?
Les prémisses de la télévision connectée
La télévision connectée au réseau internet, qui permet aux usagers d’accéder à des services supplémentaires, est déjà une réalité. Et n’en déplaise à Google et à Apple, aujourd’hui cette réalité nous la devons d’abord aux set-top-box des opérateurs internet (Freebox Revolution …) mais aussi et surtout aux télévisions, dont la connectivité internet devient progressivement la norme (SamsungSmartTV, SonyInternetTV, ToshibaPlaces…). Sur un site marchand de produits électroniques bien connu, 109 modèles vendus sur 204 sont d’ailleurs des télévisions connectées !
Depuis quelques temps nous sommes passés de l’ère du terminal passif à celle du terminal actif qui permet : d’accéder à des programmes vidéos (séries, films…) à la demande ou présents sur le réseau local (ordinateur, terminaux mobiles…) ;
- de naviguer sur le web, consulter ses emails, sa page Facebook, les réseaux Twitter,
- de faire de la visiophonie (Skype…) ;
- de jouer (Angry Birds…) ;
- d’accéder à des places de marché d’applications permettant d’étendre encore plus la gamme des services connectés proposés…
L’enrichissement des programmes diffusés
Pour la plupart, ces services, s’ils sont bien connectés à internet, ne le sont en revanche pas avec la partie télévision, c’est-à-dire les programmes diffusés.
Pourtant, nous avons pu le constater pendant la dernière campagne présidentielle, le débat dépasse aujourd’hui le cadre du petit écran, certains personnages politiques commentant par exemple sur les réseaux Twitter les émissions en cours de diffusion. Il devient alors tout à fait pertinent, pour une expérience plus complète, de pouvoir accéder en direct sur le même écran, à la fois au programme diffusé et aux commentaires associés provenant de la twittosphère.
Il existe en France des expérimentations concrètes et avancées de télévision connectée. On peut ainsi citer l’émission C DANS L’AIR (France 5) qui se vante d’être la « première émission européenne en direct enrichie par la télévision connectée » : une application dédiée permet d’enrichir l’expérience du téléspectateur en lui apportant à la fois des informations complémentaires sur le programme qu’il est en train de regarder (en savoir plus sur le thème de l’émission du jour, découvrir les biographies des invités, retrouver les livres associés à l’émission) mais aussi et surtout la possibilité d’interagir avec les invités présents sur le plateau (participer à la « Question du jour » et accéder aux résultats des votes des téléspectateurs en temps réel, poser ses questions en direct au présentateur et à ses invités).
Face à Google et yahoo, la contre-attaque des diffuseurs
La télévision connectée est rendue possible grâce à l’utilisation du standard européen Hybrid Broadcast Broadband TV rédigé par un consortium regroupant à la fois des constructeurs (Philips, Samsung, Sony, LG…) et des diffuseurs (France télévisions, Canal +…). Ce sont ces derniers qui sont d’ailleurs à l’initiative de ce standard afin d’essayer de conserver une maîtrise des flux diffusés. En 2010, TF1 avait fait pression sur Samsung pour que celui-ci n’embarque pas sur ses téléviseurs les widgets en surimpression de Yahoo! Connected TV, arguant que ceux-ci portaient « atteinte à l’intégrité de son signal télé ».
Ce standard permet à un diffuseur d’enrichir ses programmes par des contenus passifs (mode broadcast pour les télévisions non connectées) – à l’image de l’ancien télétexte – ou interactifs (mode broadband pour les télévisions connectées) et utilise des technologies non propriétaires pour supporter ces applications (XHTML, CSS, JavaScript …).
La smart TV de demain
Si tous les acteurs du marché se sont mis à la télévision connectée c’est que, après la révolution “Smartphone”, ils espèrent celle de la télévision qui deviendra pour les entreprises un nouveau canal, présent dans tous les foyers, pour toucher leurs cibles. Par analogie, on parle d’ailleurs de « Smart TV ».
La prochaine grande étape après la généralisation des terminaux connectés va être la généralisation de la télévision hybride, c’est-à-dire l’intégration de contenus ou d’applications en synchronisation avec les programmes regardés par l’utilisateur (qu’ils soient diffusés ou on-demand) : publicités ciblées en fonction du programme et du profil des téléspectateurs du foyer, opportunité de pouvoir commander le livre, la musique, le produit utilisé par un personnage dans une série ou présenté durant une émission, pouvoir parier sur un match diffusé en direct, dialogue entre internautes-spectateurs (concept de TV sociale) …
Mais demain, la télévision connectée, cela sera aussi l’intégration de technologies telles que la reconnaissance faciale (permettant d’identifier les personnes présentes devant l’écran), la gestion des identités des téléspectateurs et la personnalisation associée, les contenus multi-sources, la synchronisation de contenus avec le flux vidéo, les applications multi-terminaux…
Comme pour les smartphones, s’il est possible de se baser sur des standards internet pour certains usages, à l’image de ce qui est proposé par le consortium HbbTV, en revanche l’intégration avec le matériel (caméra, microphone, etc…) nécessitera le développement d’applications natives et donc l’émergence de plates-formes standards.
Google, future plate-forme des applications smart TV ?
Les AppleTV, GoogleTV ont probablement raté le coche de l’innovation car les services qu’ils proposent, généralement sous la forme d’une Over the Top Box (un boîtier supplémentaire) sont déjà proposés pour partie par d’autres constructeurs depuis bien longtemps.
Mais là où Apple risque de ne pouvoir cibler que ses clients, prisonniers de son monde clos en mettant en valeur l’intégration avec les autres produits de la gamme, Google peut se prévaloir de quelques atouts :
- sa plate-forme Android, déjà largement utilisée par les constructeurs de mobiles, peut devenir une plate-forme standard de facto ;
- sa compétence dans le domaine des moteurs de recherche : face à cet océan de contenus accessibles, le téléspectateur aura besoin d’outils performants pour trouver ceux correspondant à ses centres d’intérêts récurrents ou immédiats ;
- sa régie publicitaire pour pouvoir cibler au mieux les annonces, notamment en synchronisation avec les programmes regardés.
Si la télévision a pu être un temps désuète face aux autres terminaux d’accès (ordinateurs, tablettes, téléphones …) elle est en passe de retrouver sa place au centre des foyers, en se modernisant et en proposant des services à valeur ajoutée. Le marché subit depuis quelques années de fortes tensions de la part des différents acteurs (diffuseurs, constructeurs, fournisseurs de contenus….), ce qui ralentit l’avancée de la télévision connectée. Mais la marche est inexorable et pleine de promesses !