Il ne se passe pas quelques semaines sans que l’actualité nous le rappelle, un des sports national des Français est de frauder, notamment dans l’assurance. Et tout comme en matière de délit routier, seule la peur du Gendarme est réellement efficace. François Bressac, expert assurance chez Alturia Consulting, société qui s’est récemment rapprochée de Solucom, nous explique.
Qu’est-ce que la fraude, qui sont les fraudeurs et quels en sont les impacts financiers ?
Le concept de fraude est très difficile à définir, la différence entre abus et fraude étant ténue. Certains avancent qu’une fraude est associée à un « faux », c’est-à-dire à un document falsifié ou indûment possédé permettant d’obtenir une prestation non fondée. Pour fixer les esprits, disons que l’abus est seulement constaté alors que la fraude est réprimée.
Il serait très facile de stigmatiser une catégorie d’acteurs en particulier. La fraude peut être réalisée sur l’ensemble de la chaîne, depuis la déclaration à l’assureur, à la prestation (en nature ou en numéraire) jusqu’ au moment de sa comptabilisation. Les fraudes les plus délicates à détecter étant celles des professionnels.
Pour ce qui est de son impact financier, par nature, les assureurs comme les complémentaires, ne communiquant pas sur leur taux de fraude mais il serait compris, selon certaines sources entre 2% et 3%. En biens et responsabilités, elle est estimée à 2 milliards d’euros par an et en automobile 30 000 sinistres matériels par an seraient frauduleux, un sinistre moyen coûtant un peu plus de 1000 euros !
Quant à la CNAM, côté santé et prévoyance, elle estime économiser 200 millions d’euros chaque année grâce à la lutte contre la fraude !
Quelles sont les tendances en matière de nouvelles fraudes ?
En matière d’assurance à la personne deux nouvelles tendances apparaissent, l’usurpation d’identité (facilitée par l’arrivée des nouvelles technologies) et la fraude « en bande organisée » issue de la coordination de l’action de plusieurs professionnels, accompagnées ou non d’une collusion avec l’assuré.
Quel que soit la branche d’assurance concernée, la lutte n’est efficace que si elle est combinée sur 4 axes (prévention, détection, sensibilisation, réaction) ce qui suppose de disposer de personnel très formé, d’un dispositif de veille technologique et juridique et d’un SI très performant.
Quels sont les meilleurs moyens pour lutter contre la fraude ?
Pour l’heure on peut identifier des moyens de lutte très prometteurs.
La systématisation des réseaux de prestataires agréés d’assurance (réparateur auto, opticien ou dentiste agréé, ..) est une bonne réponse car elle permet d’encadrer les pratiques. Les prestataires agréés, en échange du respect d’un cadre de pratiques de gestion, sont assurés d’un chiffre d’affaires. De plus, ceux-ci sont régulièrement audités et testés par des organismes externes.
Les initiatives prises récemment par l’ALFA (agence de lutte contre la fraude à l’assurance) permettent le partage d’informations entre les différents acteurs de l’assurance afin de détecter plus facilement la fraude de la part de professionnels.
Les systèmes de datamining, outils décisionnels permettant d’élaborer des scores de potentialité de fraude, dédiés, constituent une réponse très intéressante. Peu encore d’acteurs ont fait ce choix. Mais ceux qui ont tenté l’aventure n’ont eu aucune difficulté à rentabiliser leur projet… On parle de plusieurs centaines de milliers d’euros). Malakoff Mederic a par exemple fait ce choix.
Mais l’avenir passera certainement par un SI de détection commun entre l’ensemble des acteurs de l’assurance, à condition, bien entendu, que chacun joue le jeu et mette à disposition ses données.
Une ombre persistante réside cependant dans la faiblesse du cadre légal français. Dans des tribunaux encombrés, les atteintes aux personnes prennent le pas sur les affaires financières. Certains acteurs peuvent être privilégiés : la CNAM par exemple dispose de son propre pôle santé publique au sein du Parquet. Face à cette situation, l’ALFA et les différents acteurs du marché ne ménagent pas leurs efforts pour faire aboutir leurs contentieux. Par défaut une prévention ingénieuse sera le premier et dernier rempart.
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