Depuis le début des années 2000, les grilles de calcul ont rencontré un succès certain dans le monde scientifique, ainsi que dans certains secteurs de l’industrie et de la finance. Au-delà de ces domaines, l’usage de ces grilles est peu répandu.
Le 12 octobre dernier, IBM a annoncé le rachat d’un acteur majeur du marché du grid computing : Platform Computing. A cette occasion, nous revenons sur les principes, apports et défis de ce type de technologies peu connu.
1. Qu’est-ce que le grid computing ?
Le grid computing consiste à mettre en commun des ressources logicielles et matérielles distribuées (ensemble que l’on appelle la « grille ») afin de fournir une puissance de calcul importante. La charge de travail est divisée en sous-tâches qui sont traitées en parallèle par les ressources de la grille, les résultats étant ensuite agrégés dans un résultat global rendu à l’utilisateur.
En anglais, l’emprunt du mot « grid » à l’expression « electric power grid » qui désigne le réseau électrique, traduit bien les promesses du concept : l’utilisateur se branche à la grille qui pourvoit à son besoin. Peu lui importe la complexité du système, l’hétérogénéité ou la distribution des composants, masqués par l’interface d’accès.
Des projets emblématiques donnent le ton, en matière de gigantisme :
- SETI@HOME se présente comme « une expérience scientifique qui utilise des ordinateurs reliés à internet pour la recherche d’une intelligence extraterrestre (SETI) » ; elle tire sa puissance de son « ouverture » aux ordinateurs des internautes volontaires ;
- La grille du LHC, l’accélérateur de particules du CERN, relie en mode « fermé », plusieurs dizaines de milliers de machines, situées sur trois continents, pour analyser des données.
La puissance des ordinateurs a beau croître, la « gourmandise » de tels projets scientifiques, atteint des niveaux qui justifient ce modèle d’architecture. Dans le sillage des initiatives académiques, l’industrie et le secteur bancaire s’en sont emparés pour résoudre leurs problèmes complexes : valorisation et analyse de risque pour la finance, détection de gisements pour le pétrole, simulation et analyse de crash pour l’automobile. Aujourd’hui, les grilles intéressent les médias, les jeux en ligne, les fournisseurs internet…
2. Quels bénéfices attendre du grid computing ?
Le grid computing peut apporter beaucoup aux secteurs tant privés que publics pour les projets qui requièrent une quantité importante de puissance de traitement dans une période de temps restreinte.
Les bénéfices attendus d’une grille sont :
- l’amélioration des performances tout en limitant les coûts,
- l’augmentation de la flexibilité d’une infrastructure pour absorber les augmentations d’échelle,
- la haute disponibilité de cette infrastructure faces aux pics de charge.
Les vertus « informatiques » du grid computing se transforment en atouts « métiers » : réduire les temps de calculs, c’est éviter les retards ou gagner du temps pour accroître la compétitivité et/ou pour améliorer ses processus.
Les middlewares « commerciaux » (citons pour l’exemple ceux de Platform Computing, Tibco Datasynapse, GridGain en open source) ont bien saisi ces enjeux. Développés à la suite des grilles académiques par transferts technologiques, ils tirent profit de ces besoins en proposant des solutions sur étagères et leur expertise.
Certes, ils évoluent sur un marché de niche, celui constitué des clients historiques (banques, industries du pétrole, de l’automobile etc.). Mais avec la croissance exponentielle des volumes d’information, qu’il s’agisse d’événements (CEP) ou de données (Big Data), et la nécessité de les exploiter, le positionnement du grid computing pourrait bien se renforcer.
3. Quels sont les défis à relever ?
Le concept de grid computing, ainsi que les produits du marché, sont arrivés à maturité au cours de la dernière décennie. Pourtant, il reste encore quelques barrières à franchir pour assister à une démocratisation de cette approche :
- L’expertise et le support des grilles informatiques ont un coût : il faut des techniciens qualifiés pour passer la barrière technologique des produits, ou développer/maintenir une grille « maison », mais aussi « gridifier », c’est-à-dire adapter ou développer des applications pour une exécution sur la grille. A ces coûts s’ajoutent ceux des problématiques connexes tels que le stockage ou le transfert des données.
- De plus, l’infrastructure peut nécessiter un investissement dédié.Chaque entreprise dispose généralement d’un ensemble conséquent d’ordinateurs connectés en réseau mais l’usage en grille de ces ressources existantes n’est pas évident :
- La tendance à la virtualisation a progressivement optimisé l’usage des ressources serveurs qui sont moins sous-exploités qu’il y a une dizaine d’années.
- Les préoccupations énergétiques interrogent sur l’intérêt, en entreprise, du modèle des grilles fondées sur des parcs d’ordinateurs peu puissants.
Pour autant, le grid computing n’est pas nécessairement l’apanage des grandes structures. Internet autorise le partage de ressources avec des partenaires extérieurs : des PME, des écoles ou des hôpitaux peuvent se fédérer pour bâtir des grilles qui leur sont inaccessibles, seuls.
- Les grilles de calcul imposent un modèle d’architecture bien spécifique au sein du SI. De part leur caractère intrusif, elles exigent de trouver des solutions ou des compromis notamment en matière de sécurité mais également de dépasser les aprioris quant aux partages des ressources.
Pour autant, le plus gros des défis, pour les acteurs du marché, sera celui du marketing. Le grid computing doit aujourd’hui savoir se faire entendre face à des concepts phagocytaires car, quand il est question de « computing », le « cloud » vient brouiller les pistes.
Pour l’heure, si l’entrée sur le marché d’IBM ne résout pas ce problème d’image, il confirme en revanche l’intérêt du modèle de « grille » et préfigure une tendance, celle de l’intégration. L’avenir du grid computing est, sans doute, au cœur, mais, dans l’ombre du « cloud ».
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