Gestion de crise : Comment maximiser mes chances ?

« Plus je m’entraîne, plus j’ai de la chance ». Cette devise bien connue des golfeurs est transposable en tout point à la gestion de crise.

Seul un entrainement régulier permet de créer les automatismes salvateurs lorsque surviendra la situation de crise. Il est impossible de tout prévoir, et illusoire et inefficace de chercher à décrire toutes les situations de crise possibles. Il surviendra toujours un événement nouveau, imprévisible, voire impensable. C’est pourquoi il est nécessaire de s’entraîner à analyser et réagir rapidement sous pression. Une fois les premiers réflexes acquis, les organes de gestion de crise plus matures pourront développer leur « force de réflexion rapide », un groupe dédié et entraîné pour aider les dirigeants dans leur pilotage des situations  très complexes et plus particulièrement « hors-cadre » de référence qui mettent en grande difficulté tous les schémas préétablis.[1] [2]»
Huit scénarios de gestion de crise « génériques »…

Le groupe de Place Robustesse[3], créé en 2005 à l’initiative de la Banque de France, a notamment défini huit scénarios de crise « génériques » en raison de leur représentativité :

  • Grève générale des transports ;
  • Crue de la Seine ;
  • Risque de pandémie ;
  • Attentats terroristes ;
  • Panne générale d’électricité ;
  • Accident industriel ou attentat de type NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique) ;
  • Défaillance d’un prestataire « critique » ;
  • Cyber-attaque

8 scénarios de crise…..dont 4 qui se sont produits durant ces 6 derniers mois : l’actualité met en exergue la nécessité de prendre en compte ces scénarios majeurs, qui décrivent des menaces actuelles et, malheureusement, probables.

… Qui nécessitent des entraînements spécifiques…

Au sein des organisations, il apparaît évident que les entraînements et les exercices ne sont plus une option mais bel et bien une nécessité. L’enjeu étant de construire un plan de progression pluriannuel à la fois suffisamment ambitieux mais également en adéquation avec le niveau de maturité de l’entité.

Le plan de test doit, in fine, couvrir à la fois les différentes étapes de la gestion de crise (de la phase d’alerting jusqu’à la sortie de crise) mais également les scénarios de crise auxquels peut être confrontée l’organisation. Idéalement, une fréquence de deux exercices de gestion de crise par an est préconisée pour permettre à l’équipe constituant la cellule de crise de s’habituer à travailler ensemble (prise en compte des turn over).

Il est primordial de varier les scénarios pour s’entraîner et acquérir les compétences nécessaires à une gestion de crise maîtrisée. Par exemple, les compétences liées à la communication de crise peuvent être consolidées lors d’exercices de média training spécifiques au cours desquels les communicants sont spécifiquement sollicités (simulation de prise de parole auprès de la presse, médias filmées avec débriefing et formalisation de communiqués à destination des autorités, des victimes…). En effet, il est impératif de comprendre comment fonctionnent les médias pour être en capacité de leur restituer le bon message dans le timing attendu avec le niveau souhaité d’information.

Par ailleurs, des entraînements spécifiques de grande ampleur, faisant interagir plusieurs cellules de crise (avec potentiellement des cellules extra entité), peuvent être organisés pour mesurer la capacité de l’organisation à maîtriser les outils et méthodes de gestion de crise prévus et mis en place. Ce type d’exercice permet de valider le circuit et les modalités de communication entre les cellules de crise.

Les constats réalisés au cours des exercices permettent d’identifier les failles potentielles du dispositif qui font alors l’objet d’un plan de recommandation priorisé. L’entité devra établir, mettre en œuvre et suivre un plan d’action lui permettant de s’assurer de la résilience du dispositif mis en place.

A l’issue des exercices, les partages de retours d’expériences entre les organisations constituent des éléments de progrès indispensables car ils permettent à la fois de faire progresser les entités mais également d’augmenter leur capacité d’apprentissage (notamment par l’identification des points forts qui doivent être capitalisés et actions qui pourraient être mises en place pour améliorer ce qui a moins bien fonctionné).

… Afin d’identifier les compétences requises…

Contrairement à ce que la plupart des managers en perçoivent, la capacité à savoir appréhender les éléments clés d’une gestion de crise réussie n’est pas innée, loin de là.

En effet, la gestion de crise requiert des compétences qui ne sont habituellement pas utilisées.

Si le niveau d’expertise métier de chacun des contributeurs assurant la conduite de crise n’est pas remis en cause, il n’en demeure pas moins que d’autres compétences spécifiques doivent être acquises pour contribuer à une gestion de crise efficace. Ces compétences englobent notamment la capacité à comprendre, analyser l’information, et à définir rapidement les impacts potentiels et les parties prenantes.

Sous l’effet du facteur pression du temps et de l’émotion, les managers se retrouvent confrontés à de nouveaux défis : être capables de traiter quasiment de manière instantanée les informations entrantes afin de les analyser à chaud, les partager et valider les actions à mettre en œuvre.

Le facteur temps compresse les délais habituels d’analyse, de qualification donc de réflexion. Quant au facteur émotion, le manager peut naturellement se retrouver dans une démarche instinctive et donc éloignée d’une démarche intellectuelle. Or, les décisions instinctives, prises dans l’urgence, sont dénuées de réflexions analytiques élaborées.

Ces nouveaux contextes et champ d’action modifient la donne, les curseurs et les niveaux d’expertise requis. Cela nécessite l’application d’une méthodologie qui, rappelons-le, n’est pas innée (car ne faisant pas a priori partie des réflexes acquis).

… Et de développer des réflexes appropriés

Face à des événements brutaux, déstabilisants voire choquants psychologiquement, il s’agit de s’appuyer sur des réflexes acquis au cours de l’expérience propre ou de l’entraînement spécifique. Cela est d’autant plus nécessaire que le facteur humain entre en considération : nous n’avons pas tous les mêmes capacités à gérer une situation déstabilisante et/ou inhabituelle. Quelle est ma capacité individuelle à évoluer dans un contexte excessivement complexe dont je ne connais ni les contours ni l’issue, ceci sous une intensité de stress constante et ce, sur du court, moyen voire long terme ?

L’effet du facteur humain est applicable à chaque membre de la cellule de crise mais également au groupe d’individus qui la constitue. Si les capacités intrinsèques de chaque individu peuvent influer sur les résultats en termes d’efficacité de l’équipe, les interactions entre les différents individus constituant le groupe peuvent avoir des impacts aussi bien positifs que négatifs. En effet, dans certaines situations deux « plus » peuvent faire un « moins » ; en d’autres termes, deux individus pourtant reconnus pour leurs expertises individuelles respectives ne parviennent pas à produire ensemble la valeur ajoutée attendue. Le facteur humain au sein du groupe est donc un élément dont on ne peut faire l’impasse. Aussi, pour être efficace et efficient ensemble, il faut se connaître (tout particulièrement dans le contexte particulier qui est celui de la gestion de l’urgence et des priorités). Les entraînements réguliers sur divers sujets et périmètres concourent à réduire les effets potentiellement néfastes du facteur humain.

 

[1] Patrick Lagadec : « La Force de réflexion rapide Aide au pilotage des crises », Préventique-Sécurité, n 112, Juillet-Août 2010, p. 31-35.

[2] Patrick Lagadec : « Le Continent des imprévus – Journal de bord des temps chaotiques », Ed. Les Belles Lettres, 2015, p. 239.

[3] Le Groupe de Place Robustesse se compose d’établissements de crédit ou assimilés, d’infrastructures de marché, du HFDS du ministère de l’Économie et des Finances, de la Direction générale du Trésor, de la Fédération bancaire française, de la Banque de France, des autorités de supervision et de régulation telles que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Autorité des marchés financiers.

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