Le marché de l’Assurance s’inscrit dans un contexte en pleine mutation. L’enjeu majeur pour les prochaines années est d’identifier un ou plusieurs axes de différenciation bénéficiaire. Cette mutation est telle qu’elle implique une évolution du business model, aujourd’hui fondé sur un calcul de risques établi sur des données historiques. Cette évolution, voire rupture, va pouvoir s’appuyer sur de nouvelles technologies, rendant possibles l’accès et la compréhension d’un volume de données en croissance exponentielle.
UNE TRANSFORMATION EN MARCHE
L’Assureur fait face à des défis réglementaires, sociétaux et technologiques. Autant de pressions qui nécessitent de repenser son positionnement.
Côté réglementaire d’abord, les enjeux sont bien réels : selon la Fédération Française des Sociétés d’Assurances, plus de 30 textes ont été étudiés en 2013 !
Au travers de ces textes, la volonté du législateur est :
• d’accentuer la protection des consommateurs avec par exemple la Loi Hamon (loi sur la consommation) ou la Loi Eckert sur les contrats en déshérence,
• d’en tirer une manne financière comme avec les contrats responsables et l’augmentation de la taxation de 7 à 14% si les contrats ne respectent pas les conditions dites « responsables »,
• de garantir la solidité financière des acteurs de l’Assurance avec Solvabilité II.
Ces poussées réglementaires ont pour effet direct de globaliser et tendre le marché.
Sur le plan sociétal ensuite, les principes de solidarité nationale mis en place après guerre pour la Santé, la Retraite et la Dépendance sont aujourd’hui en très fort déséquilibre compte-tenu de l’accroissement des frais de santé et du vieillissement de la population.
Si l’on prend l’exemple de la Santé, les dépenses représentaient 4% du PIB dans les années 60 contre près du triple aujourd’hui (11,7% en 2013). En sachant que les efforts de prévention ne représentent que 2% des dépenses de Santé, une tendance haussière de la consommation de soins est inévitable. Le Centre européen du diabète note ainsi une prévalence de cette maladie à 6% de la population dont 500 000 à 800 000 diabétiques qui s’ignorent, laissant présager une prise en charge plus lourde et complexe des futurs soins. Sur les dépenses de Santé en général, le reste à charge des Français est en hausse régulière alors que l’accès gratuit à la médecine est devenu un acquis dans l’inconscient collectif (source INSEE).
Ce secteur est donc pris en étau entre un service public dont le budget ne permet plus d’assumer le niveau de consommation et les Français pour qui la Santé est un acquis et n’a pas de prix.
Par ailleurs, dans le contexte d’une économie ouverte, les attentes de l’assuré évoluent. Qu’il soit particulier ou entreprise, ce dernier est aujourd’hui plus averti, plus exigeant et toujours en attente de nouveaux services technologiques. De consommateur, il devient « consom’acteur » de l’économie collaborative. Il est soucieux des principes de durabilité et a toutefois des préoccupations bien individuelles qui s’inscrivent dans un nouveau référentiel de valeur, celui de l’usage et non plus de la possession.
Or, le business model de l’Assurance repose sur la promesse d’indemnité ou prestation en cas de survenance d’un risque préalablement mutualisé. Ces risques portent sur des biens ou des personnes mais pas ou peu sur l’usage qui en est fait. Quelles que soient les branches d’Assurance, le modèle est arrivé à sa limite, compte-tenu des nouveaux paradigmes auxquels il doit s’adapter.
Des tentatives d’évolution ont été mises en place avec des services en complément des produits d’assurance (analyse de devis des professionnels de Santé, accès à un réseau de soins en Santé, de garagistes en Auto). Toutefois, ces compléments ne sont pas réellement valorisés et restent essentiellement curatifs.
Une autre voie est donc à inventer pour évaluer différemment les risques et élaborer de nouveaux concepts. Si historiquement, les assureurs sont des consommateurs de données et ont développé une expertise sur la collecte et le stockage, celle-ci permet de calculer les risques et mesurer l’impact de la mutualisation. Désormais, de nouvelles sources sont accessibles et de nouvelles logiques sont à mettre en lumière.
DE NOUVELLES VOIES OUVERTES
Plusieurs nouveaux usages peuvent être imaginés en exploitant le potentiel des données. En premier lieu, mieux exploiter les données internes en repoussant les capacités techniques d’exploitation permettra de valoriser son patrimoine data.
Ensuite, élargir à de nouvelles sources de données apportera des perspectives plus en rupture.
Pour chacune des sources, la qualité de la donnée doit être analysée en suivant deux critères principaux : le degré d’exploitabilité et le degré d’intérêt. La complexité vise à qualifier chaque donnée unitairement mais également en corrélation avec d’autres. Une donnée a priori sans intérêt, comme l’heure de réalisation d’un devis sur internet, pourra acquérir du sens en corrélation avec d’autres.
Et point particulier concernant l’Open data : l’engagement de service du détenteur d’une source de données est un critère structurant pour garantir l’utilisation pérenne de cette dernière.