Start-ups digitales, pure players, énergéticiens, entités agiles au sein de grands groupes… l’écosystème de la valorisation de la donnée dans l’énergie est composé d’acteurs aux profils et aux enjeux différents. Lors de l’Atelier qui était consacré à cette problématique en 2014, Solucom a justement permis de mettre en lumière deux points de vue cruciaux du marché : celui d’un énergéticien et celui d’une start-up. Après le parole de la start-up, voici le point de vue de l’énergéticien, François Blanc de ERDF.
Pour ERDF, comment les enjeux sur la valorisation des données dans l’énergie sont-ils apparus ?
Le 1er déclencheur a été la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables décentralisées et intermittentes. Ces sources de production créent des aléas au niveau des flux. Notre travail est de permettre au marché de fonctionner en assurant à tous les acteurs la sécurité du réseau et l’acheminement de l’électricité. Aujourd’hui, le réseau doit gérer à tout instant l’équilibre production / consommation sur une maille locale, avec des variations aléatoires très importantes.
L’explosion du volume des données de comptage avec Linky nous interroge sur la façon de les valoriser pour répondre aux besoins de chaque acteur : fournisseurs, opérateurs d’effacement, collectivités locales, consommateurs finaux. Ils sont tous demandeurs de données correspondant à leur rôle (gestion de flux, aménagement du territoire…). Les compteurs communicants vont nous apporter des données de bout en bout dont nous n’avons pas encore mesuré tout le potentiel. Par ailleurs, les marchés s’organisent pour développer des flexibilités. Par exemple, le marché de capacité a été créé pour répondre à la problématique française de la gestion de la pointe d’effacement. La valorisation de la donnée est un levier pour répondre aux nouveaux fonctionnements du marché.
Quel est le cadre réglementaire de diffusion des données collectées par ERDF ?
Les données mises à disposition sont réglementées suite à des travaux de concertation, sous l’égide de la CRE (Comission de régulation de l’énergie). Pour les données transmises au client final, le régulateur a demandé des éléments précis : donner accès au particulier à ses données, enregistrer la courbe de charge au pas de 30 minutes… Aujourd’hui, nous mettons déjà à disposition des collectivités le bilan annuel des consommations. Linky pourra donner envie d’avoir des données sur des délais plus courts.
L’enjeu est de trouver un équilibre entre la diffusion des données aux acteurs et le respect de la vie privée. Nous devons également faire attention aux informations commercialement sensibles. La question du niveau de granularité et de transparence des données pour les analyses « territoriales », par exemple dans la cadre de l’accompagnement d’un éco-quartier, est un point délicat qui n’est pas encore traité.
Comment ERDF s’adapte-t-il à ce changement de culture et de fonctionnement ?
ERDF, considère que l’évolution numérique des métiers du distributeur est un axe fort de transformation. Nous nous impliquons beaucoup dans les travaux autour des nouveaux marchés, comme ceux de capacité et d’effacement. Le réseau de distribution a un rôle important à jouer, tout en assurant la sécurité du réseau. Nous nous mettons en position d’écoute vis-à-vis de l’écosystème.
Le marché de l’électricité évolue intensément : de nouveaux entrants le pénètrent et le time-to-market diminue. Le changement culturel est important : nous devons désormais traiter avec des acteurs qui n’ont pas la même culture que celle du cercle des énergéticiens historiques. Nous devons également traiter de plus en plus de données en temps réel et les transmettre aux clients industriels. À l’avenir, une agence de conduite du réseau ERDF ressemblera à une agence locale de dispatching RTE.
Ces évolutions impliquent-elles des partenariats avec des spécialistes du digital ?
C’est incontournable. Dans la mise en oeuvre de processus et d’offres de services, nous allons travailler en partenariat avec des acteurs du digital et des nouvelles technologies. Nous le faisons déjà en développant nos systèmes d’information. Nous réalisons aussi des simulations sur des démonstrateurs via des partenariats avec des start-ups, des pôles technologiques, des collectivités…