Comme évoqué au précédent épisode, la gestion de portefeuilles projets (GPP) est un outil de gouvernance quasi-indispensable en temps de crise. Toutefois sa mise en œuvre peut s’avérer complexe.
Bien définir le périmètre du dispositif
La définition du périmètre est l’une des actions clés à mener au départ, en regardant le dispositif sous tous les angles possibles.
- Axe organisationnel : se focalisera-t-on sur les projets d’un domaine particulier de l’entreprise, sensible par le nombre de ses projets, les objectifs stratégiques de l’entité, ou par ses ressources ? Étend-on le périmètre à un champ plus large de l’organisation (inter-domaines, l’entreprise, l’entreprise étendue…) ?
- Axe financier : les portefeuilles de projets intégreront-ils tout projet quel que soit son niveau de dépenses, se concentreront-il sur ceux allant au-delà d’un seuil minimum ? Intègrent-ils tous les investissements et leurs évolutions ?
- A quelle phase du cycle de vie des projets s’intéressera-t-on compte tenu des gains escomptables?
La phase d’instruction des projets candidats est probablement celle qui présente le plus fort potentiel : l’effort est alors concentré sur l’amélioration de la sélection des projets, sur l’optimisation des allocations de ressources, la régulation des demandes de projets. Mais suivre les engagements en cours de réalisation permet également de rechercher les optimisations envisageables entre les projets, de revoir les priorisations et les allocations selon leurs avancements, voire de décider des arrêts ou fusions de projets. La phase de retrait est également une source de gain non négligeable…
Il est possible, voire recommandé, de retenir un périmètre initial sur lequel la démarche sera expérimentée, pour progressivement l’étendre vers un périmètre cible.
Donner du sens à la démarche et mobiliser
Mettre en place de la GPP doit répondre à une stratégie, à une vision de la situation constatée et de l’objectif visé. Formaliser cette vision permettra de lancer une dynamique au sein de l’entité.
Elle favorisera la mobilisation indispensable des acteurs impliqués dans cette démarche. Des sponsors sont à identifier pour la promouvoir et suivre son déroulement.
Définir au préalable les résultats visés en fixant des objectifs quantifiables et pouvant être suivis à l’aide de quelques indicateurs pertinents et faciles à mesurer et à comprendre, donnera du sens à la démarche. C’est se donner les moyens de mesurer les progrès et d’identifier les besoins d’ajustement.
Arrêter les modalités de fonctionnement et de méthodes adaptés
Le fonctionnement de la GPP s’appuie sur des règles, des processus, des méthodes d’évaluation / de priorisation objective des projets, des outils de reporting qui doivent préalablement être définis, documentés et déployés.
Par contre, pour éviter tout risque de rejet de la part des chefs de projet, il faudra veiller à ce qu’un nombre limité d’informations soit à remonter de façon à ce qu’elles puissent être rapidement rassemblées par chacun d’eux, sinon le risque existe de ne pas disposer régulièrement de ces données ou de compromettre leur fiabilité. Par ailleurs, l’efficacité du dispositif tient au fait qu’aucun projet n’y échappe : en concevant le processus de GPP, veiller à ce que tout sponsor et chef de projet « gagne » à passer son projet dans la gestion de portefeuille (par exemple : meilleure prise en compte des alertes sur les moyens, simplification des reportings…).
Organiser les fonctions d’intégration et de support qui sont à assurer.
Compte tenu de l’organisation de l’entreprise, des pratiques existantes de GPP, de son mode de management, il sera nécessaire de décider du degré d’harmonisation et du rythme de convergence de ces éléments au sein de ses entités. Selon ces choix, il peut être intéressant de mutualiser certaines activités.
Dans le cas où la création d’une cellule spécifique PMO (Portfolio Management Office) est envisagée, celle-ci doit disposer des moyens et du soutien lui permettant d’assurer sa mission.
L’accompagnement au changement ne doit pas être négligé pour assurer la réussite de la démarche. Au-delà de la mise en œuvre d’un plan de formation des acteurs (chefs de projet, PMO, responsables de portefeuilles, membres des instances décisionnelles…) à ces processus et outils, il est indispensable de prendre en compte et d’accompagner les changements qu’induit la GPP dans la manière de gérer un projet. Ainsi, un projet n’est plus « autonome », la GPP appelle la mise en place d’une gestion partagée des ressources, elle exige peut-être davantage de transparence…
Ainsi, la mise en place une démarche de gestion de portefeuilles de projets, si elle offre aux directions un outil décisionnel indispensable pour optimiser leurs investissements et la mobilisation de leurs ressources, elle constitue néanmoins un projet d’ampleur non négligeable qu’il faut aborder en prenant la mesure de tous les aspects à traiter…dans le bon ordre…avant d’aborder la délicate question du choix de (s) outil(s)….
Mieux les objectifs, le périmètre de la GPP seront clairs, mieux ses processus et les critères de valorisation des projets seront définis, plus le choix pourra être adapté aux réels besoins de l’entreprise.