Transition vers la 3e Directive sur les Services de Paiements : quels impacts ?

Le marché des paiements en ligne ne cesse d’évoluer : pour illustration, de 2022 à 2023, le nombre de paiements par mobile a augmenté de 90.4%, et pour les paiements par monnaies électroniques, l’augmentation a été de 29.7%[1].

Afin d’accompagner cette évolution, l’Union européenne avait instauré la Directive sur les Services de Paiement. Dans sa deuxième version (DSP2), publiée en 2015, cette directive a voulu la création et la régulation du secteur de l’Open Banking. L’objectif était de permettre aux utilisateurs de laisser un accès à leurs données bancaires à de nouveaux acteurs innovants tels que les initiateurs de paiement et les agrégateurs, tout en favorisant la sécurité et la compétition au sein de l’écosystème des services de paiement.

Malheureusement, la DSP2 présente des limites dont :

  • Un problème d’harmonisation des législations conduisant au « forum shopping » qui consiste, pour les fournisseurs de services de paiement, à choisir leur pays d’installation en fonction de la législation locale la plus arrangeante à leur égard.
  • Un écart qui n’a pas été suffisamment comblé entre les banques, qui sont en position privilégiée pour fournir des services aux consommateurs, et les prestataires de services de paiement qui en dépendent.
  • La fraude, pour laquelle les méthodes employées évoluent rapidement, et pour laquelle les provisions de DSP2 sont maintenant insuffisantes.

C’est pour cela que l’Union Européenne a publié un projet de DSP3 le 28 juin 2023, et une version finale est attendue pour fin 2024 ou début 2025. Le texte sera alors applicable 18 mois après la publication, soit aux alentours du troisième trimestre 2026.

 

Comment uniformiser l’existant de la DSP2 ?

 

A la lecture de cette ébauche, il est clair que là où la DSP2 a instauré des concepts structurants et complètement nouveaux comme l’Open Banking ou l’Authentification Forte du Client, la DSP3 cherche à apporter une mise à niveau sur des concepts existants. Comme indiqué sur le site de la commission européenne, il s’agit d’

« une évolution, pas une révolution ».

La forme évolue : la DSP3 s’accompagne d’un règlement, le RSP (Règlement sur les Services de Paiement). Dans son contenu, elle reprend beaucoup d’éléments présents dans la DSP2, ou ses RTS (pour Regulatory Technical Standards ou Normes Techniques de Règlementation). La nouveauté vient du format : il s’agit d’un règlement, qui est donc directement applicable dans les états membres, au contraire des directives qui ont besoin d’être traduites en droit local. Il s’agit d’une des solutions que l’UE considère pour aborder le problème d’harmonisation mentionné précédemment.

Le cadre réglementaire des monnaies électroniques se retrouve aussi simplifié. Les difficultés pratiques liées à la différenciation existante entre les paiements en ligne, réglementés par DSP2, et l’utilisation de monnaies électroniques, réglementée par la Directive sur les Monnaies Electroniques de 2009 (DME) disparaissent puisque DSP3 couvre maintenant ces deux types de services.

La DSP3 est une directive qui s'appuie sur le RSP (Règlement sur les Services de Paiement) et le RTS (Règlement sur l'authentification, la communication et les mécanismes de contrôle des opérations), qui est le règlement délégué à l'Autorité Bancaire Européenne

En outre, bien qu’il ne s’agisse pas de nouveautés à proprement parler, DSP3 apporte un lot de clarifications dans ses définitions :

  • Les comptes de dépôt, tels que les livrets, sont explicitement exclus de la définition de comptes de paiements.
  • Les agrégateurs sont définis par leur capacité à collecter et consolider de l’information sur les comptes de paiement, et ce même si l’utilisateur détenteur des comptes n’est pas le destinataire de l’information agrégée.
  • Les authentifications multi-facteurs reposent sur deux facteurs dans les catégories classiquement définies (ce que je sais, ce que je suis, ce que je possède), mais il n’est pas nécessaire que les deux facteurs soient de catégories différentes, seulement qu’ils soient indépendants (défini comme : la compromission de l’un n’affecte pas le niveau de sécurité de l’autre).

 

Que devront faire les différents fournisseurs de services de paiement pour se conformer à la DSP3 ?

 

Les évolutions phares de la DSP3 portent sur des changements techniques visant protéger le consommateur contre la fraude.

Ainsi, les prestataires de services de paiement vont devoir proposer de nouveaux services. Un premier exemple consiste à fournir à l’utilisateur un tableau de bord de permissions permettant de vérifier à tout moment qui est autorisé à accéder aux données des comptes de paiement. Un autre exemple est le service de vérification du nom du détenteur du compte bénéficiaire d’un paiement, visant à informer l’utilisateur d’une éventuelle usurpation d’identité.

De même, la DSP3 s’intéresse à l’accessibilité pour tous de l’authentification forte. Toutes les banques devront avoir la capacité de fournir un moyen d’authentification adapté à tous leurs utilisateurs, y compris les personnes en situation d’handicap, les personnes âgées, les personnes ayant des faibles compétences numériques ou sans smartphone etc…

L’ajout d’un nouvel acteur en particulier va changer la répartition des responsabilités de conformité : il s’agit des prestataires de services techniques. Ces derniers hériteront d’une partie de la charge de mise en conformité et d’audit, en particulier pour ce qui touche à l’authentification forte du client, lorsque celle-ci est gérée par une solution tierce.

 

Quels seront les impacts de ces changements ?

 

Les banques et autres prestataires de paiement sont incités par les changements de la DSP3 à s’échanger des informations pour lutter contre la fraude : des dispositions sont d’ailleurs prévues pour pouvoir le faire dans le respect de la RGPD.

En particulier pour la vérification du nom du détenteur du compte bénéficiaire, cela signifie que les APIs d’Open Banking devront être mises à jour pour pouvoir permettre cette vérification par la banque du payeur. A cause de la complexité de cette opération, à plus forte raison pour les paiements instantanés, l’article associé entrera en vigueur 2 ans après le reste (donc pas avant le troisième trimestre 2028).

Les utilisateurs vont aussi voir apparaitre de nouvelles fonctionnalités, et un temps d’adaptation sera nécessaire pour qu’ils se familiarisent avec ces nouveautés. Un accompagnement devra être mis en place afin de faciliter la compréhension et favoriser l’adoption de ces nouvelles fonctionnalités.

 

Si le texte final est publié début 2025, les entreprises du secteur des paiements auront jusqu’au troisième trimestre 2026 pour se mettre en conformité.

Il est essentiel de prendre en compte ces changements dès aujourd’hui et d’assurer une veille réglementaire pour se tenir informé des différents textes (RTS, guidelines) qui seront publiés à la fois par la commission européenne et l’Autorité Bancaire Européenne.

 

[1] Rapport annuel de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement 2023

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top