Le sujet de la cybersécurité requiert une implication à tous les niveaux de l’entreprise, mais aussi et surtout avec le comité exécutif ! Evidemment le management doit montrer l’exemple mais c’est aussi ce comité qui va décider des investissements majeurs et qui saura déverrouiller les situations les plus complexes dans l’entreprise. C’est donc un enjeu clé pour tous les responsables cybersécurité que de créer une relation de confiance pérenne avec son COMEX ! Mais c’est aussi un exercice à haut risque, qui nécessite une approche graduée et de la constance dans les engagements.
Après avoir réalisé plusieurs dizaines d’interventions auprès de comité exécutif, de comités d’audit ou de conseil d’administration, je souhaitais partager avec vous les étapes essentielles pour faire progresser la relation dans la durée. La première phase de ce voyage devra permettre de créer un premier contact et à sensibiliser le comité exécutif aux enjeux de cybersécurité. Première étape, la sensibilisation ! L’objectif pour ces séances est souvent d’arriver à attirer l’attention pour pouvoir déclencher une réflexion plus approfondie dans l’organisation. Nous verrons plus tard les étapes suivantes : présenter un bilan, obtenir un budget, suivre la progression du niveau de sécurité…
Un pré-requis essentiel, savoir d’où l’on part et avec qui l’on va échanger !
Cela peut apparaitre comme un poncif, mais cet élément est certainement le plus important avant d’aller rencontrer un comité exécutif ou un conseil d’administration. Grâce à sa large couverture médiatique, le sujet de la cybersécurité est souvent déjà présent dans l’esprit des exécutifs. Mais leur degré de connaissance du numérique et leur niveau d’appétence pour le sujet peuvent changer complètement la manière d’aborder le sujet. Faudra-t-il être très didactique (en allant jusqu’à réexpliquer le principe de données, d’applications, si si) ou alors faudra-t-il tout de suite aborder des points complexes comme les dernières attaques observées et leurs méthodologies ? Vous seriez surpris de voir la diversité des niveaux entre les entreprises, mais aussi au sein d’un même COMEX. Et il est nécessaire d’intéresser chacun des acteurs, au prix d’avoir des commentaires peu amènes pendant l’intervention.
Il s’agit donc de bien préparer cette première réunion en échangeant avec d’autres membres du COMEX, leurs adjoints ou avec des personnes familières de cette enceinte pour déterminer le ton à adopter et le niveau du discours à tenir. Evidemment, les règles de fonctionnement devront aussi être connues : est-il courant que les questions soient posées au fil de l’eau ? Peut-on interpeller un membre ? Doit-on évoquer dès le début les sujets relatifs à l’entreprise ? Prévoyez de déminer le terrain en amont ! Et même s’il n’y a pas de recette parfaite, je vous livre ci-dessous les éléments que j’utilise le plus souvent pour faire de ces rencontres des moments utiles et efficaces.
Pour commencer, attirer l’attention en dévoilant les coulisses d’une attaque
Les sujets s’enchaînent rapidement durant les COMEX, les directeurs réfléchissent très très vite, il faut donc très rapidement être dans le concret et donner de la matière à réflexion, du vécu. L’élément que je trouve le plus efficace consiste à présenter une attaque récente, parue dans la presse ou ayant touché le secteur, et en décrypter les enjeux et les coulisses : quelle temporalité ? quelle motivation pour les attaquants ? quelles faiblesses dans l’entreprise ? quelle réaction en interne ? publique ? avec les autorités ? Cela aura pour effet de projeter mentalement les directeurs concernés dans leur rôle s’ils vivaient la même chose. Nous avons la chance chez Wavestone de gérer fréquemment des grandes crises cyber et nous utilisons ces éléments, à la fois sous forme de benchmark mais aussi en les anonymisant ou en accord avec les victimes, pour donner un sens très concret à nos retours d’expérience.
Enchaîner avec une généralisation sur la cybercriminalité
Une attaque, c’est bien mais ça n’explique pas tout ! Il s’agit après avoir zoomé sur un cas de le généraliser en expliquant quels sont les ressorts du fonctionnement de la cybercriminalité. Nous analysons alors les motivations des groupes criminels, leurs organisations, mais aussi et peut être surtout comment ils gagent de l’argent !
Expliquer concrètement où en est l’entreprise
C’est le bon moment pour présenter la posture IT de l’entreprise et son organisation actuelle en terme de sécurité. Il s’agit alors de la présenter simplement, avec des images claires et parlantes : êtes-vous plutôt dans un modèle « château fort » à l’ancienne ? Ou avez-vous déjà ouvert vos portes suite à la transformation numérique et avez-vous adopter un modèle porche de l’aéroport ou la sécurité est renforcée plus on va vers des systèmes critiques ? Cela permettra de concrétiser la situation.
Après cette phase de mobilisation et d’explication, vient naturellement la phase d’interrogation par les membres du comité exécutif. « Mais alors nous, nous en sommes ou face à ce risque de cyberattaque ? ». Face à cette question, soit vous avez la chance d’avoir un bilan de maturité fin et vous pouvez tout de suite le présenter, soit vous pouvez amener des premiers éléments qualitatifs voire quantitatifs partiels et expliquer qu’aujourd’hui vous avez besoin d’avoir plus de visibilité. Les éléments qui parlent sont les derniers rapports d’audits, les derniers incidents, des éléments budgétaires.
S’il est difficile au début de la démarche de parler budget et de se comparer car les données manquent, il est possible d’utiliser un indicateur simple et efficace, celui de vos effectifs dédiés à la cybersécurité. Nous disposons d’une base de données sur ce point et nous pouvons rapidement montrer à un COMEX où il en est rien que par sa mobilisation sur le plan RH. C’est simple et efficace pour les convaincre !
Ne pas repartir bredouille
Le risque majeur de cette sensibilisation, c’est que tout se passe bien mais que rien ne bouge ! En effet, vous pouvez avoir un message positif, « merci et rendez-vous dans un an pour une mise à jour », vous serez content mais vous n’aurez pas débloqué pour autant la situation. Il faut alors bien préparer l’étape d’après en indiquant dès cette présentation les principaux points de faiblesses ou de force ressenti et de quelle manière vous souhaiteriez les évaluer de manière plus précise.
En effet la deuxième étape est souvent la réalisation d’un bilan de maturité dédié pour bien savoir comment se positionner ! Si à ce moment, la réunion s’est déroulé, le COMEX intrigué et intéressé par le sujet voudra en savoir plus et donnera un accord de principe. Attention cela ne sera peut-être pas directement un budget, il vous renverra certainement vers le DSI ou le directeur des risques pour l’obtenir, mais vous aurez avec leur accord un levier formidable pour passer à l’étape d’après ! Rendez-vous au prochain épisode.