Depuis 2015, sous l’impulsion de la transformation numérique des entreprises, on voit le sujet du Digital et du Modern Workplace prendre une place grandissante et la solution Office 365 de Microsoft s’imposer sur le marché français (près de 90% du CAC 40). Quatre ans après, suite aux récentes cyberattaques fortement médiatisées, le sujet de la sécurité arrive enfin sur le devant de la scène après avoir été – trop – longtemps délaissé au profit des migrations et de l’adoption des services.
Cette réflexion doit permettre de couvrir les risques principaux que sont la fuite de données et l’accès aux données par des administrateurs, Microsoft et des personnes ou des applications tierces.
Un nouveau modèle de gouvernance imposé par Microsoft
Office 365 est une solution de communication et de collaboration SaaS. En tant que telle, la plateforme est en constante évolution, contrairement aux solutions historiques dites « on-premise » : de nouvelles fonctionnalités ou paramétrages apparaissent, sont modifiés tandis que d’autres disparaissent ; on peut citer la disparition annoncée de Skype en 2021 ou la fin du support de l’authentification legacy pour Exchange Online en 2020. Le rythme de cette livraison continue, « continuous delivery » en anglais, est imposée par Microsoft sans contrôle possible, ce qui nécessite un tout nouveau modèle de gouvernance.
L’intégration des changements ne peut plus se faire en mode projet, mais doit suivre un processus établi. Dans ce modèle, les équipes workplace et sécurité doivent travailler main dans la main et être représentées dans l’ensemble des comités projets et d’architecture, et ce dès la conception des cas d’usages de la plateforme. Ces équipes également auront pour responsabilité commune de veiller à la bonne santé et à la conformité réglementaire de la plateforme.
L’équipe sécurité ainsi voit son périmètre évoluer : elle n’a plus la main sur les outils de sécurité et peut, voire doit, avoir un rôle de business enabler afin d’accompagner la migration vers le Cloud en proposant de nouveaux usages (ex : ouverture d’un service maîtrisé d’échange de fichiers à l’externe). Une organisation adéquate doit être mise en place ; on pourrait même envisager d’avoir un Security officer dédiée à la plateforme au plus près des métiers, ayant pour rôle de conseiller les projets, de suivre la configuration de la plateforme, d’assurer le suivi des alertes de sécurité, etc.
Un autre sujet à traiter concerne la délégation de l’administration. Il n’est pas envisageable d’avoir près de 20 Administrateurs Généraux pour un tenant O365, même si cela n’est pas une situation si rare. La mise en place d’une solution de délégation d’administration des comptes utilisateurs et des objets doit être envisagée, via la mise en place d’une interface ou d’un connecteur basé sur PowerShell ou Graph API. Ce traitement devra permettre de gérer l’ensemble de objets tout en tenant compte des logiques métiers. Autour de cette nouvelle gouvernance, doivent s’articuler les piliers de la sécurité ci-dessous :
- La gestion des identités ;
- La maîtrise des services et des usages ;
- Le contrôle du bon respect des politiques de l’entreprise.
La gestion des identités au cœur du sujet
Dans une solution conçue pour permettre une collaboration interne ou externe, avec une utilisation ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device), la gestion de l’identité et donc des authentifications est le cœur de la gestion plateforme. Comme pour tout projet, la phase de définition de qui peut accéder à quoi, quand et où est fondamentale.
Sur Office 365, on retrouve trois types d’utilisateurs ayant chacun des niveaux de privilèges différents : les administrateurs, les utilisateurs internes et les invités (externes invités à collaborer sur un fichier ou au sein d’un Groupe O365 ou d’un site SharePoint).
Pour chacun de ces types de comptes, l’implémentation des mesures de sécurité définies va être pleine de défis. Outre l’incontournable authentification multi-facteur, mise en valeur par la fuite de données ayant touché Deloitte en 2017 se posent notamment les problématiques essentielles de la maîtrise des accès des administrateurs (rôles personnalisés ou prédéfinis, accès permanent ou ponctuel etc.) et du cycle de vie des utilisateurs invités (rien n’étant clairement défini par défaut). La question du coût des licences Azure AD Premium ou d’un outil tiers va être élément majeur de la discussion.
À noter également, Office 365 permet à des applications externes, de communiquer avec ses APIs. L’application externe peut alors agir au nom d’un utilisateur avec ses droits propres ou d’un administrateur avec des privilèges plus élevés. Ces applications peuvent provenir de différents magasins d’applications (comme AppSource ou AAD) ou être développées localement. La gestion des permissions accordées à ces applications doit faire preuve d’un point d’attention pour les entreprises. En effet, à travers les APIs, il est très facile d’imaginer une fuite de données massives en cas de dupe d’un utilisateur (ex : cas d’une application requérant des permissions non nécessaires, comme celui de l’accès aux mails).
Une maîtrise des services et des usages indispensable mais délaissée
Une fois les accès à Office 365 sous contrôle, le sujet suivant est de maîtriser l’usage qui en est fait. Il n’est pas rare d’observer que des services, non priorisés lors de la migration vers le Cloud (Power BI, Teams, Flow, accès aux API etc.) sont laissés accessibles avec leur configuration par défaut. Les deux raisons avancées sont généralement de favoriser l’adoption et le manque de temps à consacrer à ces services non prioritaires. En plus du paramétrage du service, il est également indispensable de définir des règles précises autour des usages afin de clarifier qui peut faire quoi et quand (ex : gestion des habilitations SharePoint, création des Groupes). L’idéal étant bien sûr de mettre en place des mesures techniques (paramétrages généraux ou configuration via PowerShell) cohérentes avec la politique définie.
L’absence de sécurisation de ces services laisse toutefois là porte ouverte à de potentielle fuites de données : transfert automatique vers l’extérieur, exposition sur Internet ou encore perte de contrôle la donnée. Comme écrit plus haut, la gouvernance doit prendre en compte la sécurité dès la conception des futurs usages. Les services doivent être analysés et testés sur des populations réduites. En effet, il sera toujours plus facile d’ouvrir une fonctionnalité, que de restreindre un usage déjà bien répandu. Dans le deuxième cas, il sera nécessaire de faire une analyse d’impact, de bricoler une solution de contournement et de sensibiliser largement les utilisateurs. Des actions qui peuvent nécessiter un investissement important et qui pourraient être évitées.
Le suivi des services ne doit pas s’arrêter à la fin de l’adoption des utilisateurs. Les équipes sécurité et workplace auront ainsi la charge de faire un suivi des évolutions d’Office 365 (programme Evergreen, mise en place d’une veille, suivi des blogs Microsoft, …) afin d’évaluer les nouvelles opportunités et menaces.
Le contrôle du bon respect des politiques de l’entreprise
Le dernier pilier, et pas le moindre, consiste en l’implémentation des politiques de sécurité de l’entreprise. Cela passe notamment par la mise en place d’outils de sécurité : protection de l’information, anti-malware, supervision et alerting.
Concernant la sécurité d’Office 365, on peut différencier 3 niveaux de maturité aujourd’hui. Les moyens mis en place vont être conditionnés par les expertises disponibles (les ressources étant limitées sur le marché) et le budget (dépendant notamment de la stratégie de l’entreprise de gestion des licences Microsoft) :
- Niveau 1 – Maîtrise des identités, des services et utilisation du Centre de Sécurité et de Conformité : l’entreprise met en place les solutions de sécurité natives du Security Center et du Compliance Center (incluant notamment Office DLP, Exchange Online Protection, eDiscovery) accessibles avec des licences basiques ;
- Niveau 2 – Développement d’ « outils maisons »: l’entreprise crée un ensemble de scripts simples ou tableaux de bords, en s’appuyant sur Graph API, Security Graph API et PowerShell, pour mettre en place des contrôles et des mesures de sécurité adaptés à son contexte (ex : gestion du cycle de vie des utilisateurs invités) ;
- Niveau 3 –Utilisation d’outils de sécurité avancée : l’entreprise met en place des solutions additionnelles pour renforcer le niveau de sécurité : outils permettant de lutter contre les fuites de données, d’analyser les malwares sur les mails, de revoir les droits, de détecter comportements anormaux ou encore de durcir l’utilisation de la plateforme en fonction du contexte.
La maîtrise des services Office 365, de leurs usages et des fonctionnalités natives de sécurité est indispensable, et doit précéder toute réflexion concernant l’ajout d’un outil de sécurité supplémentaire, qui ne couvrirait pas les failles existantes et ne ferait qu’ajouter de la complexité.
Exemple de contrôles de notre méthodologie d’Audit Office 365
Office 365 est un cas intéressant de l’ouverture des applications métiers sur Internet via le Cloud. Cette évolution requière d’adapter le modèle de sécurité historique de l’entreprise, en tendant vers le modèle de la compagnie aérienne avec l’adoption du Cloud.
La sécurisation d’Office 365 ne doit toutefois pas omettre celle des briques on-premise nécessaires au fonctionnement de la plateforme le cas échéant, comme c’est le cas généralement pour l’authentification qui est portée par l’ADFS.