Dans un monde numérique : quelle vie privée ?

Les résultats présentés dans cet article sont une synthèse de l’enquête dans sa globalité. Vous retrouverez les résultats et analyses détaillées sur notre site web. De cette étude, plusieurs billets de blogs seront tirés afin de présenter certaines tendances tendances mondiales et nationales de perception de la vie privée par les individus. L’enquête a touché 1 587 personnes, entre juillet et août 2016 dans 6 pays.

 

Une vision homogène à l’échelle l’internationale

Les pays retenus pour l’enquête, à savoir l’Allemagne, la Chine, les États-Unis, la France, l’Italie, et le Royaume-Uni, ont été choisis sur la base de leurs environnements socio-économiques et de leur diversité de cadres réglementaires concernant la protection de la vie privée. Ces éléments sont à même d’influencer la perception et les opinions des citoyens concernant la protection des données personnelles. Toutefois, malgré ces différences de contexte initiales, nous avons pu observer au travers des réponses collectées que la thématique de la vie privée est perçue d’une manière relativement homogène dans les différents pays étudiés.

Parmi les personnes ayant répondu à l’enquête, les jeunes générations, plus digitalisées et qui sont souvent les plus intéressées par le sujet de la vie privée dans un monde numérique, sont majoritaires.

Bien sûr, il existe certaines différences et sensibilités particulières : ainsi, les sondés originaires d’Allemagne ont-ils accordé proportionnellement plus de poids aux définitions de la vie privée ayant trait à la liberté que ceux originaires d’autres pays. Les réponses provenant des États-Unis affichent, pour leur part, une confiance moins grande dans les institutions publiques. Néanmoins, de manière générale, on note une véritable prise de conscience globale des individus liée à la vie privée et aux données personnelles. Celle-ci peut s’expliquer par le caractère transfrontalier du monde numérique et de la donnée, le citoyen numérique souhaitant faire respecter sa vie privée indépendamment des frontières. Cette observation renforce l’importance de la prise en compte du respect de la vie privée dans les projets numériques, quels que soient le pays et la population concernés.

De la liberté à la maîtrise : l’évolution du sens de la « vie privée »

La vie privée est traditionnellement perçue comme la possibilité pour un individu de conserver une forme d’anonymat dans ses activités et de disposer d’une capacité à s’isoler pour protéger ses intérêts. Elle est donc intimement liée à la notion de liberté. Mais l’analyse des résultats du panel montre que cette notion tend à disparaître au profit de la maîtrise des informations. Nous avons proposé à nos sondés de sélectionner une ou plusieurs définitions ayant davantage trait à l’une ou l’autre de ces deux notions.

Les réponses les plus fréquemment choisies ont toutes trait à la maîtrise. Cette tendance se confirme si l’on observe les propositions intermédiaires : « avoir le contrôle sur le type d’informations collectées sur vous » est davantage plébiscité (plus de la moitié des réponses) que « avoir ses moments seul, sans devoir subir l’attention d’autrui », relatif à la liberté.

Dans tout projet faisant appel aux données, il sera alors important de donner aux clients et aux collaborateurs l’assurance qu’ils disposent de cette maîtrise, en prévoyant des modes d’accès simples et en autonomie.

Toutes les données sensibles aux yeux des citoyens

Interrogé sur les niveaux de sensibilité, le panel a fait ressortir de très faibles différences, les citoyens considérant la plupart des types de données proposés comme relativement sensibles. Ils n’ont pas perçu que des fuites de certains types de données peuvent avoir des conséquences lourdes, voire irréversibles (données de santé par exemple), contrairement à d’autres (données financières par exemple) pour lesquelles la plupart des pays ont mis en place un cadre réglementaire protégeant les individus (remboursement rapide en cas de fraude). Ce constat montre que quelles que soient les données personnelles manipulées dans le cadre d’un projet, une attention particulière devra y être portée, a minima dans la communication sur les niveaux de protection.

Une confiance qui varie fortement d’un pays à l’autre

Nous avons demandé aux sondés d’indiquer le ou les type(s) d’organisations en lesquels ils avaient le plus confiance dans l’utilisation de leurs données personnelles pour un usage préalablement autorisé. On observe une réelle différenciation entre trois grandes familles d’acteurs :

  • En première position, les acteurs regroupés sous la catégorie des institutions sont ceux qui suscitent le plus la confiance des sondés. Il s’agit d’institutions publiques, semi-publiques ou de l’économie traditionnelle avec qui les individus ont un lien de confiance historique, d’autant qu’elles traitent depuis toujours des données sensibles (données médicales…). À noter que l’on observe de vraies différences au sein même de cette catégorie, les banques arrivant en tête avec plus de la moitié des sondés déclarant leur faire confiance pour le traitement de leurs données. L’enjeu en termes d’image est donc particulièrement fort pour les acteurs du secteur bancaire : ils se devront d’être à la hauteur des attentes de leurs clients s’ils veulent conserver leur place de partenaire de confiance numéro un.
  • En deuxième place, une catégorie intermédiaire englobant les acteurs de la vie quotidienne : opérateurs de transport, fournisseurs d’énergie… Ces acteurs historiques du B2C sont en train de mener leur transformation numérique à marche forcée et peuvent tirer les fruits de cette confiance déjà présente.
  • En troisième et dernière position, les acteurs de l’économie numérique, qu’il s’agisse de géants du web ou d’entreprises technologiques.

La défiance des individus à leur égard peut s’expliquer par la quantité de données collectées et utilisées par ces tech-companies et les condamnations récentes de celles-ci liées à l’utilisation qu’elles en font. Cependant ce résultat souligne un paradoxe. Malgré ce manque de confiance criant, les individus continuent d’utiliser massivement les services fournis par ces acteurs, en partie par manque d’alternative mais aussi parce que les informations confiées peuvent paraître, souvent à tort, anodines.

 

Des nouvelles technologies qui suscitent des craintes

Le panel met en lumière 4 technologies, les plus susceptibles de mettre en danger leur vie privée selon les sondés. Leur point commun ? Elles permettent toutes de collecter des données sans que cette collecte ne puisse être maîtrisée par les personnes concernées. Elles seraient donc, pour certaines personnes, synonymes de surveillance. À contrario, des technologies où le citoyen a la capacité de choisir quelles données il partage, comme les objets connectés ou certains services cloud permettant de stocker des informations privées, sont considérées comme moins risquées pour leur vie privée, et n’entrent donc pas dans ce top 4.

Bien que non traditionnellement considérées comme sensibles, les données sur les comportements et les agissements de chacun sont donc aujourd’hui l’objet de l’attention des individus, et constituent un point d’achoppement non négligeable entre une relation client toujours plus personnalisée et les attentes desdits clients en termes de respect de leur vie privée.

Des citoyens qui agissent pour protéger leur vie privée numérique

Plus de la moitié des sondés déclarent ainsi avoir modifié certains de leurs comportements pour mieux protéger leurs données. Ce changement illustre la prise de conscience des individus quant à la protection de leur vie privée. Il est également intéressant d’étudier comment les individus procèdent pour mettre en place cette protection. Nos sondés ont décrit des mesures concrètes qui peuvent être réparties en deux catégories :

  • Mesures visant à limiter la quantité/ le type de données fournies : fourniture d’informations inexactes/ incomplètes lors de la création d’un compte (utilisation de pseudonyme ou non-remplissage des champs non obligatoires), utilisation de comptes anonymes…
  • Mesures visant à renforcer la sécurité des données fournies : hausse du niveau de sécurité de leurs comptes en ligne (renforcement du mot de passe, changements de mots de passe plus réguliers, révision des droits d’accès…), attention accrue lors du partage de données personnelles sur internet…
  • En marge de ces mesures on trouve également quelques solutions plus extrêmes : fermeture complète de compte sur les réseaux sociaux, utilisation exclusive de sites ou de technologies testés et de confiance, suppression de l’historique et des cookies après chaque utilisation des navigateurs de recherche.

À noter que si ces initiatives individuelles peuvent contribuer à améliorer la protection de la vie privée, elles risquent toutefois d’entrer en conflit avec les nouveaux usages et innovations promus par les organisations et entreprises, et donc de limiter, voire d’empêcher, la personnalisation de leur relation avec celles-ci.

 

Methodologie de l’enquête

L’enquête a été réalisée auprès d’un panel constitué de 1 587 répondants basés dans 6 pays différents : Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Italie, et Royaume-Uni. Les  réponses ont été analysées par les équipes de Wavestone Paris et Luxembourg.  L’échantillon de répondants a été fourni par un tiers (SSIS) avec lequel les équipes de recherche Wavestone collaborent depuis plusieurs années, notamment dans la conduite d’enquêtes destinées à la Commission Européenne. Les questionnaires ont été conçus et traduits par Wavestone puis envoyés par email. Le panel a été sélectionné pour assurer sa représentativité vis-à-vis de la population des pays ciblés sans discrimination de genre ou de catégorie socio-professionnelle, les deux critères de sélections étant qu’il s’agisse de personnes majeures et disposant d’un accès à Internet. L’enquête a été conduite entre juillet et août 2016 et analysée de septembre à décembre 2016 pour une publication en début d’année 2017. Les données de cette enquête ont été rendues anonymes : la collecte est uniquement statistique.

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