Quels risques pour la transformation numérique ?

Depuis plusieurs années les entreprises se sont tournées vers la transformation numérique de leurs processus. Comme le montre certains palmarès récents, cette transformation est devenue un enjeu fort pour les entreprises afin de gagner en agilité et en compétitivité auprès des clients et des collaborateurs. Toutefois, comme tout changement majeur, elle est porteuse de risques qu’il s’avère nécessaire d’appréhender afin de limiter les impacts sur l’organisation.

La transformation numérique : entre enjeu stratégique et menaces

La transformation numérique actuelle des entreprises se manifeste par une concentration et une circulation accrue de données. Ces dernières sont de plus en plus manipulées par des systèmes généralement non maîtrisés de bout en bout (big data, cloud, réseau social d’entreprise, etc.). Cette transformation numérique s’inscrit de plus dans un contexte d’allongement de la chaîne de prestataires et de partenaires (entreprise étendue), d’une mobilité et d’usages facilités (BYOD) et d’une attente forte d’immédiateté et de disponibilité de la part des clients et des collaborateurs. Concrètement cela engendre la mise en place d’outils transverses permettant de répondre à des enjeux d’agilité et de collaboration en cassant les silos entre les entités, mais avec des collaborateurs ou des clients peu formés aux nouveaux usages apportés.

Cette évolution rapide à laquelle aucun secteur d’activité n’échappe, entraine des risques qu’ils s’avèrent nécessaire d’identifier et de maitriser. Ces risques, loin d’être limités aux systèmes d’information, sont éminemment transverses et représentatifs de l’interconnexion existante entre les différents métiers.

Dans ce contexte, l’enjeu pour les directions en charge des risques (Juridique, Conformité, Risque, Contrôle Interne, Sécurité IT et Audit, etc.) est d’évaluer les risques liés à la transformation numérique et de garantir la continuité, la disponibilité ainsi que la protection des données et des applications.

La transformation numérique : révélateur et catalyseur des risques

La transformation numérique ne va pas générer de nouveaux risques mais va agir comme un catalyseur des problématiques déjà existantes. En effet, un tel programme va nécessiter de prendre en compte les besoins des métiers et de regarder les impacts potentiels (outils, processus métiers, etc.). Une lecture par les risques va permettre de faire resurgir toutes les problématiques et de réévaluer les risques et les dispositifs de couverture à la lumière du nouveau contexte.

L’identification des risques doit être accompagnée par la réalisation d’une cartographie des risques afin d’y intégrer les différentes problématiques concernées. En d’autres termes cela revient à regarder l’ensemble des risques qui pèsent sur la « donnée » dans ce nouveau contexte : compliance/juridique, sécurité, RH. À cela, peuvent également s’ajouter des risques d’image ou liés à la gouvernance.

Trois typologies de risques doivent être regardées avec une attention toute particulière :

Les risques réglementaires : l’identification des contraintes réglementaires sur la donnée

Depuis plusieurs années, les régulateurs ont commencé à s’intéresser à la manière dont les entreprises manipulent et sécurisent les données, ce qui a eu pour conséquence un renforcement croissant des contraintes réglementaires autour de ce sujet : nouveau règlement européen, durcissement du droit Russe, etc.

Compte tenu de cet environnement, les entreprises doivent identifier les réglementations auxquelles elles sont assujetties, les contraintes potentielles qu’elles peuvent générer et qui éventuellement ne sont pas respectées (partage de données bancaires ou de données industrielles hors du pays propriétaire, partage non encadré de données à caractère personnel hors de l’Union Européenne, etc.).

Une fois les contraintes identifiées, il est nécessaire de mettre en place les dispositifs adéquats pour y répondre : par exemple les Binding Corporate Rules (BCR) qui assurent une protection et une manipulation conforme des données à caractère personnel.

Les risques de sécurité SI : la sécurisation des données et des outils

Dans un monde digitalisé, les données peuvent être volatiles passant d’un outil à un autre facilement (emails, outils collaboratifs, applications mobiles, etc.). Il est donc nécessaire de formaliser un cadre clair (principes, règles, etc.) pour sécuriser l’information de bout en bout.

Au-delà du volet organisationnel et fonctionnel, il est également important de prendre en compte les contraintes d’architecture des systèmes d’information afin d’être en adéquation avec les enjeux de sécurisation (serveurs locaux, synchronisation ou non des données, enregistrement de population, etc.).

Les risques liés à la « conduite du changement » : l’évolution des dispositifs RH

La conduite du changement ne doit pas être limitée à la sensibilisation des collaborateurs sur les nouveaux outils ou les nouvelles modalités de travail. En effet, la transformation numérique peut avoir un impact profond sur le fonctionnement même d’une entreprise (management 2.0, mobilité, télétravail, Flex office, etc.). Il convient donc d’adapter les dispositifs RH existants et d’accompagner le collaborateur.

Par conséquent, un travail de formation et de sensibilisation doit être mené d’une part auprès des collaborateurs et des managers, mais également auprès des instances représentatives du personnel en les impliquant dès le départ dans le projet.

Traitement des risques liés à la transformation numérique : adopter une approche collaborative

Les risques liés à la transformation numérique embarquent une transversalité qui peut entrainer une difficulté lors de l’identification des porteurs et des actions à réaliser pour traiter lesdits risques. Cette difficulté est due à un périmètre des risques très large qui peut s’étendre sur plusieurs métiers ou sur plusieurs fonctions risques. Ainsi, il est nécessaire d’organiser une collaboration entre tous les acteurs pour prendre en compte cette transversalité et pour s’assurer in fine qu’il ne réside pas de zones de vulnérabilités pouvant être exploitées (cyber-attaque, fraude, indisponibilité, non-respect de la réglementation, etc.).

Cette collaboration doit être organisée à l’aide de quatre principes structurants :

  • S’appuyer sur les programmes de transformation pour lancer les travaux sur les risques. En effet, les différents acteurs à mobiliser ont souvent peu l’habitude de travailler ensemble. Le « prétexte » d’un programme sur un sujet d’actualité doit permettre de créer une véritable dynamique,
  • Réunir une équipe pluridisciplinaire composée de différentes fonctions et domaines d’expertises afin de confronter l’ensemble des points de vue,
  • Accepter la remise en cause des dispositifs existants. La transformation numérique peut entrainer de profondes modifications dans l’organisation de l’entreprise, par conséquent, il peut également s’avérer nécessaire de faire évoluer le cadre normatif (dispositif de contrôle interne, nouvelles règles de gestion, etc.),
  • Mettre en place une instance transverse afin de partager les avancements sur les travaux et disposer d’un niveau de validation nécessaire pour entériner les productions.

 

Aujourd’hui les entreprises s’appuient sur de nombreux référentiels pour aider l’identification et le traitement des risques (méthodologies internes, ISO 27005, ISO 31000, etc.).  Toutefois, le nouveau cadre que vient imposer la transformation numérique montre les limites de ces modèles qui ne prennent pas ou peu en compte la transversalité et les nouvelles connexions entre les métiers et les technologies. L’un des objectifs à venir pour les acteurs de la maitrise des risques est de faire évoluer rapidement les dispositifs et méthodologies existants afin de faire face à ces nouveaux enjeux.

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