Depuis décembre 2014, le sujet revient d’actualité : le gouvernement a confié à un groupe de députés socialistes de la commission des finances, la mission de réfléchir à la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source. Le président du groupe PS à l’Assemblée, Bruno Le Roux, a assuré le 24 mai que le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu serait mis en place avant la fin du quinquennat de François Hollande.
Le prélèvement du montant de l’impôt par son employeur
Le prélèvement ou retenue à la source est un mode de recouvrement de l’impôt, consistant à faire prélever son montant par un tiers payeur, le plus souvent l’employeur ou le banquier, au moment du versement au contribuable des revenus sur lesquels porte l’impôt. En France, près de la moitié des prélèvements obligatoires, principalement les cotisations sociales et la contribution sociale généralisée, sont déjà prélevés à la source. Aujourd’hui calculé sur le mode déclaratif, par foyer fiscal, et prélevé l’année suivante, l’impôt sur le revenu serait donc calculé et prélevé de la même manière que la CRG et la CRDS, en amont du versement de la paie des salariés.
« Il faut étaler la réforme pour pouvoir l’expliquer »
Le président du groupe PS à l’Assemblée l’a assuré, le prélèvement à la source « aura commencé avant la fin du quinquennat ». « Il faut l’étaler pour pouvoir l’expliquer » a déclaré Bruno Le Roux avant d’ajouter : « bien entendu, le prélèvement à la source doit être le préalable de la grande réforme fiscale qui doit avoir lieu au début d’un quinquennat, pas à la fin d’un quinquennat » – Source France Info. Comme la déclaration de la CRG et de la CRDS, l’impôt retenu à la source fait déjà l’objet d’une déclaration dans la DSN dès Janvier 2016. La règle d’alimentation de cette rubrique (Norme technique, Phase 3, S21.G00.81.001, code 900) devrait bientôt être expliquée.
Une réflexion globale et un accompagnement au changement nécessaires
Le prélèvement de l’impôt à la source n’est pas qu’un simple projet informatique et les entreprises devront réviser leur organisation et les modes de travail de leurs équipes. Le prélèvement de l’impôt à la source sera le résultat final mais cette évolution doit nécessairement être anticipée :
- Une hausse du prix du bulletin de paie : il faudra prévoir à minima d’intégrer de nouvelles rubriques de paie et un mode de calcul de l’impôt.
- Un dossier administratif du salarié enrichi et ultra confidentiel : pour reconstituer le foyer fiscal du salarié, il faut intégrer l’ensemble des revenus de son foyer (y compris ceux du conjoint) et les éléments de déduction (mobiliers/immobiliers/financiers, …) à moins que le législateur ne maintienne un système déclaratif indépendant pour ces éléments.
- Le respect de normes définies par l’administration fiscale et la CNIL, et sans doute des mesures d’inspection des impôts.
- Une mise à disposition des informations du bulletin et du montant de l’impôt auprès des salariés : l’entreprise assurera au salarié la transparence sur sa situation fiscale.
- Une formation des gestionnaires de paie aux nouvelles compétences fiscales afin qu’ils puissent justifier le montant de l’IR prélevé sur le bulletin des salariés.
Un levier d’optimisation des rémunérations ?
Les entreprises pourront indirectement tirer parti des informations collectées sur la situation fiscale des salariés, dans la gestion des salaires et primes, et plus globalement dans l’optimisation de la masse salariale. Il s’agit de moduler les augmentations et la nature de la rémunération en fonction du barème d’imposition (par exemple, une augmentation de 5% car 6% ferrait passer le salarié à la tranche d’imposition supplémentaire et lui coûterait plus cher). À la DRH de mener l’analyse de sa masse salariale pour identifier les éventuels leviers d’optimisation à l’aide d’experts.
Des avantages en accord avec les attentes des salariés
C’est in fine un mode de recouvrement relativement simple et « indolore » pour le contribuable, qui tend à favoriser l’acceptabilité de l’impôt. Par ailleurs, il permet de relier plus étroitement les variations de l’impôt à celles du revenu (le prélèvement à la source offre l’avantage de ne pas avoir à provisionner pour un versement plus tardif – l’année suivante – alors que leur situation financière a peut-être évolué). Enfin, en rapprochant l’impôt sur le revenu des charges sociales CSG et CRDS, les salariés prendront aussi conscience de la fiscalité globale qui pèse sur leur revenu, et de leur réel pouvoir d’achat. Il ne reste plus qu’à payer… la TVA !
Comment L’État souhaite-t-il organiser la transition la première année ?
L’État risque de se priver d’une année de collecte lors de son entrée en vigueur (soit entre 5 et 10 milliards d’euros). Pour ne pas abandonner une année d’imposition, il pourrait prévoir d’étaler l’impôt de cette « année de transition » sur plusieurs années (durant lesquelles les contribuables devraient payer l’impôt dû au titre de l’année en cours et de « l’année de transition »). Si l’exercice est difficile à mettre en place, il aura au moins le mérite de faire entrer davantage de trésorerie.
Pour l’État, on peut imaginer que cette évolution assurera une certaine diminution des risques de fraude fiscale (bien que cela n’ait pu encore être mesuré) ainsi que la réduction des coûts du prélèvement (il est moins coûteux de prélever les entreprises que des individus plus nombreux) qui devrait se traduire par une optimisation des effectifs de l’administration fiscale.
Et côté entreprise, comment faire ?
Le prélèvement de l’impôt à la source atteindra son but s’il est assorti d’une véritable réflexion sur l’organisation et une réorganisation de la fonction paie et des outils. Après un diagnostic nécessaire, les entreprises vont devoir optimiser leur organisation, leurs process tout en prenant soin de la confidentialité des données et des règles de paie. Une transformation ardue mais nécessaire alors, tenez-vous prêts !