Les Directions métiers souhaitent entamer leur révolution numérique, mais pas à n’importe quel prix. La maîtrise des coûts reste un objectif clé et, à ce titre, les Directions générales cherchent à se doter de moyens pour mieux contrôler leurs portefeuilles projets, métiers et technologiques. Dans cette optique, le business case constitue l’un des outils permettant aux décideurs d’évaluer l’intérêt d’un projet vis-à-vis de la stratégie de l’entreprise et que son planning est opportun. Jusqu’ici assez peu utilisé par les DSI, certains grands comptes tendent aujourd’hui à systématiser son élaboration avant tout lancement de projet SI, le positionnant ainsi comme un outil stratégique d’aide à la décision d’investissements.
Le business case de projet SI est le premier document structuré qui synthétise l’ensemble des éléments clés nécessaires à la prise de décision. Si le volet financier en est une partie majeure, le business case ne doit pas pour autant être réduit aux seuls éléments budgétaires et quantitatifs. D’autres arguments doivent aussi être considérés. On y retrouve classiquement trois volets: le volet opportunité, le volet solutions SI et le volet financier.
Volet opportunité : « pourquoi faire le projet ? »
Porté par le sponsor du projet, le volet opportunité a pour objet de démontrer la valeur ajoutée pour l’entreprise de l’investissement que l’on souhaiterait réaliser. Il s’agit d’y développer :
- D’une part, les enjeux stratégiques et les risques associés, c’est à dire ce que l’organisation a à gagner, ou à perdre, à faire, ou ne pas faire.
Il peut s’agir d’une position stratégique, d’un avantage concurrentiel différentiant, de réduction des coûts de production, d’optimisation de time-to-market, de fiabilisation d’un service, d’amélioration de la sécurité - D’autre part, les objectifs du projet, c’est à dire les résultats opérationnels quantifiés attendus au travers de la mise en place du nouveau système. Cette valeur ajoutée peut parfois être chiffrée en gains financiers directs, mais pas uniquement.
Il peut s’agir d’une augmentation de 5 % du volume de transaction / vente, d’une augmentation de la marge unitaire de 3 € TTC, d’une baisse du coût de production de 15 %, d’une réduction du nombre d’accidents à 0,1 ‰, d’une baisse des émissions de CO2 de 5% …
Quels risques prenons-nous à ne pas lancer ce projet ? Quelles sont les conséquences si on reporte le lancement de 2 ans ? À travers ces questions récurrentes, les décideurs cherchent à savoir si le décalage du projet reporte l’apport de valeur ajoutée ou s’il fait encourir un risque plus conséquent pour l’entreprise. Les impacts du scénario status quo doivent ainsi être analysés dans le business case, au même titre que les autres solutions.
Volet solutions : « quels scénarios SI ? »
Porté par la cellule d’architecture d’entreprise, le volet solutions doit exposer, dans les grandes lignes, les scénarios SI susceptibles de répondre aux besoins du projet.
Pour ce faire, il est indispensable de distinguer les macro-fonctions qui composent le système à construire, ainsi que les données à capter en amont et produites en aval. Dans un second temps, il s’agit d’identifier les solutions appropriées (déjà existantes dans le SI ou à intégrer) pour porter les fonctions précédemment identifiées. Les architectes doivent ainsi avoir une excellente connaissance du patrimoine SI de l’entreprise (cartographie applicative, inventaires, catalogue d’offres, catalogues de solutions de la DSI, dette technique, compétences…), et disposer d’une vision marché (panorama des solutions, pratiques du secteur, benchmarks…). L’étude des solutions implique également une analyse de la viabilité de chacun des scénarios, sur plusieurs plans. La solution est-elle en ligne avec la stratégie technique de la DSI ? Dispose-t-on des bonnes compétences pour réaliser et maintenir le système ? Y-a-t-il des contraintes techniques particulières dans sa mise en place (performances, sécurité, volumétrie…) ? Autant de questions à instruire lors de cette phase d’étude.
Attention toutefois à ne pas tomber dans une analyse technique trop fine : le business case doit rester accessible à un auditoire de non spécialistes et mettre en lumière les points saillants de complexité du projet. Par la simplicité de lecture qu’elle apporte, l’évaluation des solutions via une matrice SWOT est souvent privilégiée.
Cette évaluation des solutions peut être la source de nombreuses frictions (divergence des enjeux des parties prenantes, partialité, impatience…). Toutefois des leviers existent qui permettent à la DSI de fluidifier ses relations avec les métiers afin de jouer pleinement son rôle dans la stratégie de l’entreprise.
Volet financier : « combien ça coûte ? Quels sont les gains ? »
Porté conjointement par le sponsor et par le contrôle de gestion de la DSI, le volet financier est primordial pour la prise de décision.
Afin de permettre une comparaison impartiale des solutions, l’exercice de chiffrage doit impérativement reposer sur des bases et méthodologies partagées. La Direction financière joue ainsi un rôle essentiel car c’est souvent à elle que revient de fixer les règles du jeu : telles que les postes de coûts à considérer (coûts logiciels et matériels, ressources humaines, coûts indirects…), ou encore les hypothèses d’évolutions (inflation, budget de la DSI…). Le Total Cost of Ownership (TCO) est l’un des indicateurs financiers privilégié dans la mesure où il permet de rendre compte de l’ensemble coûts d’investissements et des coûts de maintenance calculés pour une période de 3 ou 5 ans après la mise en service.
Pour disposer rapidement d’estimations les plus fiables possibles, deux accélérateurs se révèlent être précieux : des abaques de chiffrage, basés sur les coûts réels des projets passés ; les coûts unitaires des composants à assembler pour produire la solution.
Toutefois, plus qu’un coût précis à l’euro près, c’est, à ce stade, la tranche de coûts dans laquelle le projet se situe qui importe (à la centaine de millier, voire au million d’euros près). En fonction de cette estimation, la prise de décision est susceptible d’être attribuée à un niveau hiérarchique différent.
No Go ? C’est quand même un succès !
Reprenant l’analyse formelle des enjeux et du besoin, des solutions, et du ratio coûts engagés / valeur, le business case ainsi élaboré est présenté dans le cadre des instances d’engagements budgétaires mises en place dans l’entreprise, pour une prise de décision quant au lancement du projet.
Un business case abouti n’est toutefois pas un gage assuré de lancement et un « No Go » ne doit pas être perçu comme un échec. À l’échelle de l’entreprise, cet arbitrage est le signe d’un processus de décision suffisamment mature, permettant au management de jouer pleinement son rôle de filtre du portefeuille de projets.
Le feu vert est donné ? Ce n’est pas pour autant la fin du business case. Celui-ci peut en effet constituer le document fil rouge du projet, réévalué lors des phases ultérieures, au fur et à mesure que le périmètre fonctionnel, les questions techniques et les éléments financiers vont venir se préciser.