Pour faire face à la concurrence et fidéliser leurs clients, les acteurs de l’assurance doivent faire évoluer leurs pratiques en exploitant les nouvelles technologies numériques. Mais comment ces technologies toujours plus innovantes peuvent-elles renforcer la relation assureur-assuré? Eclairage avec Patrick Durand.
Dans l’assurance ces dernières années, les nouvelles technologies ont fortement impacté les process de gestion client. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’innovation digitale offre avant tout de nouveaux outils aux assurés. Grâce aux réseaux sociaux, aux comparateurs ou aux sites d’opinions, le client est plus à même d’évaluer la pertinence des offres d’assurance. Il devient par conséquent plus exigeant et plus sensible à la façon dont il est traité.
Les assureurs doivent donc tout mettre en œuvre pour ne pas perdre un client devenu plus volatile : soigner l’identité numérique, développer la notoriété sur le web et sur le mobile, digitaliser l’ensemble du parcours clients, raccourcir les process, fluidifier la circulation d’informations, etc.
Tout ce qui pourra faciliter la vie du client est de nature à le conquérir et à la fidéliser. L’utilisation de moyens de paiement innovants peut notamment y concourir, en facilitant l’acte d’achat ou en permettant de mettre en place des programmes de fidélité.
Ces efforts de fidélisation pourraient devenir encore plus stratégiques dans certains domaines, comme l’automobile et l’habitation, du fait de la loi Hamon qui facilite théoriquement les résiliations des contrats d’assurance.
Les nouvelles technologies accélèrent aussi l’évolution du métier traditionnel de l’assurance…
En effet, le positionnement des acteurs de l’assurance évolue. De pur indémnisateur, ils deviennent de plus en plus fournisseur de services. Ces services se développent sur toutes les branches et peuvent être classés en 3 grands groupes :
- Des services liés à la prévention. Dans le domaine de l’habitation, on peut citer en exemple tout ce qui tourne autour des services comme la télésurveillance. En santé surtout, les possibilités sont très vastes et se concrétisent. On compte aujourd’hui plus de 5 millions de français qui possèdent des objets connectés à internet mesurant des données physiologiques (poids, tension artérielle, rythme cardiaque, température, etc.).
- Des services en nature suite à une indemnisation (prêt de véhicule, soutien scolaire, mise à disposition d’une aide-ménagère, remboursement de frais de déplacements, etc.). Dans ce cas l’assureur ne se contente pas de régler un sinistre mais accompagne son client après le sinistre.
- Des services annexes de « conseil au quotidien ».
Reste que pour encourager le développement de ces nouvelles offres, il y a toute une réflexion à mener en amont sur le packaging de l’offre, le discours marketing et la valorisation de ces services.
Cette modernisation permet-elle aux assureurs d’augmenter la fréquence des contacts avec les assurés ? Et si oui quel impact sur la gestion de la donnée et la connaissance client ?
La fréquence d’un contact assureur/assuré est structurellement faible : un assuré n’est souvent en contact avec son assureur qu’aux moments de souscrire, de changer de situation (nouvelle automobile, déménagement, etc.) et de déclarer un sinistre.
La gestion et le règlement du sinistre étant un moment clé de la relation assureur/assuré, l’assureur a tout intérêt à proposer des services innovants en plus de l’indemnisation. Ce faisant, il va créer de l’intimité, favoriser la fidélisation et au final développer sa valeur aux yeux du client.
Le développement d’offres intégrant de nouveaux services peut donc permettre d’augmenter la fréquence des contacts. Mais encore faut-il que l’assuré passe par l’assureur pour consommer ce service, et donc que l’assureur soit capable de gérer ces offres hybrides mêlant assurance et service…
Ces changements permettent aux assureurs d’aboutir à une meilleure connaissance du client, mais aussi d’affiner la segmentation de leurs portefeuilles pour mieux cibler leurs actions commerciales.
Les assureurs sont-ils conscients de ces évolutions ?
Les assureurs sont conscients de ces problématiques mais sont aujourd’hui souvent contraints par leurs systèmes d’information existants et par les délais de mise en œuvre souvent trop longs par rapport à la rapidité d’évolution de l’environnement.
Ils essaient néanmoins de s’adapter à cette situation et mettent souvent en place des structures organisationnelles ad hoc plus agiles : des e-DSI, des LABO innovations, etc. En France, les travaux sont donc lancés, même s’ils le sont moins qu’à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons. Les dernières évolutions législatives ne peuvent d’ailleurs qu’encourager les assureurs à accélérer leurs efforts de modernisation.