La réversibilité, ou la « qualité de ce qui est réversible » n’est autre que la capacité à récupérer ses biens (données, applications, matériels) dans le but de changer de fournisseur ou de ré-internaliser tout ou partie de son SI. Cela peut être motivé par un facteur financier (mise en concurrence, diminution des coûts) ou par un facteur qualité (moindre qualité du fournisseur actuel). Dans tous les cas ce n’est jamais une opération triviale. Alors le faire dans les nuages, ne serait-ce pas un peu du rêve ? Tâchons d’y voir plus clair.
Prenons un exemple simple : vous souhaitez changer de téléphone. Vous vous attendez là à pouvoir récupérer à l’identique :
- vos données : vos contacts, vos photos, votre musique, vos messages, etc.
- vos applications : Candy crush ou encore l’application SolucomINSIGHT dont vous ne pouvez plus vous passer
- et même votre configuration : les mots de passe de vos Wifi, la configuration de vos comptes mails, etc.
La réversibilité c’est cela : la capacité à changer de fournisseur en conservant vos biens (données, applications, etc.). Dans le cas du Cloud Computing le principe est le même et selon le modèle de service, on s’attendra à pouvoir facilement transférer ses données (SaaS), ses applications (PaaS), et jusqu’à son OS dans le cas du IaaS.
Récupérer ses données dans le cas du SaaS
Le cas du SaaS est le plus simple et le plus compliqué à la fois. En effet, vous êtes dans le cas où vous ne récupérez que vos données, car elles seules vous appartiennent (l’application et toutes les couches inférieures sont la propriété de votre fournisseur). Certes la tâche est simplifiée, car c’est autant de travail en moins, mais encore faut-il définir le format et la méthode d’export.
Aujourd’hui aucune norme n’existe pour l’export des données. Cependant, de nombreux fournisseurs de SaaS ont pensé une clause de réversibilité incluant la possibilité de réaliser a minima un export de ses données. Mieux : dans certains cas, l’API du fournisseur permet à des outils tiers de réaliser une migration automatisée vers un autre fournisseur. C’est le cas d’outils permettant de migrer de Salesforce.com vers Microsoft Dynamics et vice-versa.
Récupérer applications et données dans le cas du PaaS
Dans le cas du PaaS, vous récupérez votre application (son code source) et vos données. Vous aurez donc moins de problèmes de compatibilité des formats d’import et d’export des données, en revanche le problème se situe plus bas, au niveau de la compatibilité entre l’application et l’environnement d’exécution.
De plus, côté configuration de l’environnement d’exécution, il est fort probable que vous ne puissiez pas récupérer le détail de la configuration réalisée. C’est un peu le problème que vous auriez en changeant de téléphone pour des téléphones de marques différentes : au-delà des données, difficile d’exporter les applications et configurations.
Le point positif est que, concurrence oblige, certains fournisseurs se sont mis à développer des outils de migration pour vous attirer chez eux. C’est, par exemple, le cas du PaaS Engine Yard qui a développé un outil de migration d’Heroku (le PaaS de Salesforce) vers leur plateforme.
Et dans le cas du IaaS ?
Le cas du IaaS est peut-être le plus simple, car finalement il ne diffère pas beaucoup de ce que l’on faisait déjà dans les cas traditionnels d’infogérance. Les questions à se poser sont de trois ordres :
- quels moyens mettre en œuvre tout au long de la vie du contrat, notamment en matière de documentation ;
- quels moyens mettre en œuvre lors de la phase de réversibilité : notamment moyens humains et moyens techniques permettant d’accompagner la migration ;
- quel délai (période de transition) et quel coût associé (lui-même fonction des deux précédentes questions, mais aussi de l’impact de la propriété des licences OS et middleware par exemple).
Les seuls obstacles qui peuvent se présenter sont ceux du format d’export des machines virtuelles (format pivot type OVA – open virtual appliance – ou format constructeur ?) et des sauvegardes (comment récupère-t-on l’historique des sauvegardes ?).
Aujourd’hui nombre de fournisseurs proposent ainsi des exports des disques de données au format virtual machine disk (VMDK). Ils ne proposent cependant pas toujours l’OS pour des problématiques de licences. Ce qui peut constituer un frein à la réversibilité.
Les principaux obstacles à la réversibilité dans le Cloud vont donc être les formats d’export, les méthodes et moyens associés (techniques mais aussi humains), la sauvegarde et l’impact sur le coût de la migration.
Pour simplifier cette réversibilité, une solution plus globale peut être, dans le cas du IaaS ou du PaaS, l’usage d’un Cloud Hybride qui permettra la portabilité des services d’un Cloud à l’autre ainsi que leur interopérabilité, et cela de façon transparente.
Une autre solution pourrait aussi être de conserver une partie de ses données en interne soit par des synchronisations de données, comme a pu le faire Arte par exemple, soit simplement par de la sauvegarde on-premises.
Dans tous les cas il est nécessaire de réfléchir à un plan de réversibilité détaillé, d’intégrer ce plan au contrat et, bien entendu, de le tester.
Enfin, si la réversibilité est encore un facteur de complexité aujourd’hui, on peut espérer que le développement des plateformes d’interopérabilité (iPaas et consorts) et la standardisation des Clouds, nous apportera dans le futur des solutions de portabilité entre fournisseurs aussi simples et efficaces que… la portabilité d’un numéro de téléphone.