La téléphonie en salle des marchés se démarque de la téléphonie classique dite « administrative » par ses obligations techniques, fonctionnelles et réglementaires spécifiques au métier du trading. Depuis presque 10 ans, la ToIP s’impose pour la téléphonie administrative dans les grandes entreprises. Mais qu’en est-il de la téléphonie de marché ? Cette téléphonie souvent « à part » suit-elle la même tendance technologique ?
La téléphonie des salles des marchés, un métier à part
La salle des marchés : une organisation tripartite au service du trader
Plus qu’un lieu physique, le terme de « salle des marchés » désigne l’ensemble des services et des personnes qui permettent aux établissements financiers d’intervenir sur les marchés. Son organisation se découpe en trois domaines distincts : le Front Office (négociations et décisions), le Middle Office (suivi des risques et résultats) et le Back Office (administration et contrôles).
C’est au sein du Front Office, centre décisionnel qui se doit d’être à la pointe du progrès technique en termes de communications et de gestion des flux d’information, qu’évoluent les opérateurs marchés : traders, brokers (intermédiaires entre les clients et l’établissement) et analystes financiers.
Les outils de communication mis à disposition des opérateurs doivent leur permettre de traiter une quantité importante d’informations critiques de façon rapide et simultanée avec plusieurs intervenants distants. Parmi les nombreux services offerts (Bloomberg, Reuters…), le téléphone reste le canal de communication privilégié pour 5% des opérations entre salles des marchés. Le poste téléphonique, appelé « platine », joue un rôle clé dans l’environnement de travail des opérateurs. Selon BT Trading « les traders perdraient 100 000 euros par heure s’ils n’avaient pas leur téléphone ». Bien que difficile à vérifier, cette assertion illustre l’importance pour les DSI d’offrir un service de téléphonie fiable et de qualité à ses utilisateurs en salles.
Seuls quelques acteurs sont aujourd’hui capables de répondre aux exigences de cette téléphonie métier spécifique.
Un marché de spécialistes
Cisco, Alcatel-Lucent, Aastra, Avaya… aucun des acteurs de la téléphonie administrative n’est présent sur le marché de la téléphonie Trading. C’est bien un univers de spécialistes, où les leaders se nomment Orange Trading Solutions (ex Etrali) et BT ou IPC (issu du monde du système).
Les solutions proposées par ces trois constructeurs s’articulent autour de trois briques de services indissociables : l’infrastructure de téléphonie, l’enregistrement vocal et les lignes louées. Le cœur du système, majoritairement TDM (Time Division Multiplexing) aujourd’hui, se compose d’un commutateur en charge du contrôle des communications et de la gestion des ressources téléphoniques. Ce cœur est systématiquement complété par un service d’enregistrement des conversations vocales obligatoire, à but réglementaire et contrôlé par les autorités des marchés financiers. Les lignes louées TDM sont également très largement déployées sur les platines en salles et offrent des connexions permanentes sans numérotation et en point-à-point entre un opérateur et ses contreparties (clients, brokers, partenaires…).
Les solutions de téléphonie de marché Full IP apparues depuis 2010 sont encore très largement en retrait par rapport à un existant TDM omniprésent. Cependant, cette balance risque de fortement s’inverser dans les 3 à 5 prochaines années, la fin de vie des solutions TDM, les nouvelles réglementations financières et les besoins d’intégration de la téléphonie dans le SI poussant vers le monde IP.
Migration vers le modèle IP : une transition hésitante mais inévitable
Des facteurs de pressions externes et internes
L’obsolescence des solutions de téléphonie de marché TDM est l’un des premiers facteurs clés poussant vers une évolution IP. D’ici fin 2016, la majorité des systèmes TDM ne seront plus supportés par les constructeurs qui se concentrent sur le développement de solutions de nouvelle génération en « tout IP ».
Les nouvelles réglementations financières imposées par les autorités de régulation des marchés jouent également en faveur d’une migration vers le tout IP. Les établissements financiers sont soumis à de plus en plus d’obligations en termes de traçabilité et transparence des transactions. Les systèmes d’enregistrements vocaux se doivent d’évoluer pour répondre à la législation en offrant de nouvelles fonctionnalités. Ces nouveaux besoins vont au-delà des possibilités techniques et fonctionnelles des équipements TDM, l’IP étant un prérequis pour y répondre.
Enfin, de nouveaux besoins en termes de convergence des services sont apparus. Les platines IP de nouvelle génération se voient équipées de nouveaux services embarqués permettant une meilleure interaction avec le poste informatique du Trader et son environnement applicatif (CRM, annuaires, vidéoconférence, instant messaging, etc.).
Une évolution inéluctable
Malgré la réticence des DSI à migrer leurs systèmes de téléphonie de marché TDM, réputés pour leur robustesse et leur fiabilité, l’évolution technologique vers l’IP emprunte une trajectoire analogue à celle de la téléphonie administrative démarrée dans les années 2000.
Si dans un premier temps une migration totale vers l’IP présente des coûts supplémentaires par rapport aux systèmes existants généralement amortis, la performance économique peut être réelle à moyen terme par la rationalisation et la virtualisation des infrastructures.
L’adoption du modèle tout IP en environnement salle des marchés semble ainsi se confirmer, et il est fort à parier que les solutions de téléphonie de marché sur IP s’imposeront comme un véritable standard dans les 5 prochaines années.